Ce Dossier de veille met en avant différentes tensions qui sous-tendent l’activité quotidienne des enseignantes et enseignants qui cherchent à transmettre à leurs élèves des démarches et des outils intellectuels pour comprendre les sociétés humaines et leur fonctionnement.
Comment se recompose la référence aux disciplines universitaires au sein et entre matières scolaires elles-mêmes plus ou moins composites (histoire-géographie et EMC, sciences économiques et sociales, philosophie, etc.) ? Quels compromis entre éducation à une socialisation politique commune et à une pensée critique émancipatrice ? Quelles spécificités mais aussi quels enjeux partagés entre l’enseignement polyvalent de l’école primaire et la spécialisation des professeurs du secondaire ? Quels regards porter sur le passé de ces disciplines pour mieux en comprendre les configurations émergentes ? Quelles trajectoires spécifiques et quelles tendances voisines entre systèmes scolaires français et étrangers ? Enfin, quels écarts entre intentions éducatives et apprentissages effectifs des élèves ?
Pour résumer : quels sont les termes des compromis que les enseignantes et enseignants sont amenés à effectuer au quotidien pour à la fois s’inscrire dans un rapport spécifique aux savoirs de référence et dans une dimension politique redoublée par l’objet de leurs enseignements, l’humanité en société ?
Pour contribuer à la réflexion sur ces questions, les trois parties de ce Dossier s’appuient sur une sélection de travaux de recherche abordés sous l’angle du curriculum.
Une première partie s’intéresse aux conditions dans lesquelles l’activité enseignante en classe peut être favorable aux apprentissages disciplinaires de tous les élèves, de la carte de géographie à la dissertation philosophique.
La deuxième partie inscrit l’action des enseignantes et enseignants dans l’histoire collective de leur profession, et, dans le cas de l’enseignement secondaire, de leur discipline (histoire-géographie, sciences économiques et sociales, philosophie) et de ses réformes successives ; ici, l’éclairage permis par la comparaison avec les découpages disciplinaires opérés dans d’autres systèmes scolaires fait ressortir la spécificité des choix nationaux.
Enfin, une troisième partie interroge les façons dont les enseignantes et enseignants traduisent dans leurs pratiques des prescriptions institutionnelles de plus en plus internationalisées comme l’acquisition de compétences ou les « éducation à » : cet appel au décloisonnement et à l’interdisciplinarité interroge les raisons qui font que ces tendances de fond connaissent dans le même temps un processus de disciplinarisation qui s’appuie sur les fondements épistémologiques des différentes sciences humaines et sociales.