Le fait que l’évaluation de l’enseignement soit considérée comme constitutive de la qualité d’un établissement est assez récent en Europe : sa propagation est clairement un corollaire des travaux d’harmonisation menés dans le cadre du Processus de Bologne, même si certaines initiatives sont antérieures, alors qu’en Amérique du Nord, ces pratiques évaluatives se sont développées dès les années 1960, d’abord chez les étudiants, puis chez les enseignants, avant d’être institutionnalisées.
Pour garantir la qualité de leur enseignement, les établissements d’enseignement supérieur sont amenés à chercher des équilibres à trois niveaux interdépendants (l'institution, les formations et les acteurs, enseignants et étudiants), et à composer avec leurs contraintes externes et leurs potentiels internes pour à la fois développer une culture de l’auto-évaluation, maintenir une offre de formation de qualité et soutenir l’enseignement et l’apprentissage.
Définir la qualité de l’enseignement s’avère cependant une opération complexe, marquée de tensions à la fois idéologiques et méthodologiques qui ne permettent pas de dégager une unanimité, contrairement à l’activité de recherche qui dispose d’indicateurs critiquables mais admis par la communauté scientifique. 30 ans de recherches américaines sur l’évaluation des enseignements (par les étudiants, par les pairs, ou en auto-évaluation), n’ont pas suffi pour résorber ces tensions, mais elles ont produit des analyses d’une grande richesse pour appréhender concrètement les conditions, nécessairement situées, les plus propices à la mise en oeuvre d’une évaluation « efficace », qui contribue à une amélioration des enseignements (et à la réussite étudiante).
Alors que certains modèles plaident pour une combinaison d’éléments contextuels propres à l’établissement, de critères relatifs au processus d’enseignement et d’apprentissage et d’autres en lien avec les résultats de ce processus (insertion professionnelle,…), tous les analystes s’accordent sur le fait que ce sont les variables relatives au processus qui prédisent le mieux la qualité des apprentissages. Autrement dit, c’est au plus près des pratiques d’enseignement et d’apprentissage, au coeur même des relations entre enseignant(s) et étudiants que se fait la différence ; mais ces variables sont aussi les moins bien documentées, les plus controversées et celles qui sont les moins utilisées dans les systèmes d’évaluation.
Dans cette revue de littérature, centrée sur l’Amérique du Nord et l’Europe, nous proposons d’examiner les multiples tensions qui traversent le champ de l’évaluation de l’enseignement et de discuter les conditions propices à son institutionnalisation, dans la perspective d’identifier des pistes d’action. La première partie interroge les modalités évaluatives susceptibles de favoriser une gouvernance réflexive au sein des établissements d’enseignement supérieur : elle rappelle le contexte d’émergence de l’assurance qualité en Europe, évoque les logiques de prestige des classements internationaux et examine les approches multidimensionnelles de l’auto-évaluation. La deuxième partie, consacrée à la situation française, s’intéresse aux réformes qui ont encouragé la responsabilisation progressive des établissements, depuis les jalons posés par la politique de contractualisation, la mise en place d’une évaluation intégrée avec l’AERES et la législation statuant sur l’évaluation des enseignements. La troisième et dernière partie, focalisée sur l’évaluation des enseignements par les étudiants (EEE), discute ce qui rapproche ou au contraire oppose l’évaluation des enseignements, celle des formations et celle des enseignants, en plaidant pour une évolution vers une mise en oeuvre moins stéréotypée et plus stratégique de l’EEE.
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