Les cinés de l'IFÉ - cycle 2
Le corps : aux origines de l’apprentissage : thème du deuxième cycle des CINES DE L’IFE
en AVRIL – MAI – JUIN 2012
à l’Institut Français de l’Education de 16 h 30 à 19 h 30
Dans le premier tome de sa trilogie, Sphères, Peter Sloterdijk nous entraine dans la relation intime qu’entretient le fœtus avec son « accompagnateur spirituel » : le cordon ombilical et le placenta. Déjà, avant sa naissance, l’être-qui-vient apprend par corps…
Le cri sera la première manifestation de son corps au sortir du corps de l’autre, bien avant qu’il n’ait conscience de cette altérité. S’ensuit alors, le long apprentissage de celle ou de celui qui deviendra sujet d’une société, par la reconnaissance de son corps de femme ou d’homme ; par l’acquisition du langage pour communiquer audelà de son « moi-peau » ; par sa capacité à interagir avec les membres d’un groupe et former un corps social. Mais, pour acquérir cette compétence -pour ainsi se socialiser-, le sujet d’une société doit savoir exister par la présence symbolique de son corps : autrement dit, par l’absence ou la suspension de sa corporéité physique et organique. « Le corps doit passer inaperçu dans l’échange » résume l’anthropologue David le Breton.
Le corps socialisé doit s’exercer à une discipline qui débute dès le plus jeune âge, par les pratiques alimentaires et, dans les sociétés modernes, par l’éducation scolaire. La matérialité du corps doit s’effacer pour devenir le support à l’expression de la valeur du sujet : en cela, tout contact physique peut s’interpréter comme un manque de tact. Apprendre à communiquer se fonde sur cette capacité à éprouver la
bonne distance avec le corps de l’autre, afin de maintenir une relation de face-à-face et d’éviter de faire mauvaise figure. Par sa fonction symbolique, le corps représente l’objet du droit, l’exercice de la règle et de la discipline, la manifestation de l’autorité mais aussi de la liberté.
Ce nouveau cycle des Cinés de l’IFE propose d’interroger cet apprentissage de la sociabilité par le corps, à travers trois films documentaires invitant à une rencontre avec un médecin-psychiatre, un philosophe et un anthropologue : trois séances qui nous conduisent aux limites de notre rapport à soi, tant l’apprentissage par corps participe intimement de la fabrique de nos identités.
Le corps hors de soi
Mercredi 25 avril 2012 à l'IFE
Vivre une matinée à Janet II - Réalisation : collectif. 120’
Ce documentaire a été réalisé, dans les années 70, par des soignants dans une unité "d'accueil" pour personnes "démentes séniles" et "arriérées profondes". Ce film témoigne de l’apprentissage du rapport à notre propre corps, lorsque les pratiques de soins corporels ne
vont pas de soi, ne vont plus de soi... Dans l’épreuve quotidienne d’un établissement psychiatrique français, se manifeste ce travail sur soi que tout individu doit opérer pour faire corps avec lui-même.
Les conditions de sa réalisation font de ce film un documentaire "hors norme".
Attention : images très dures, éprouvantes, pouvant choquer.
Avec le docteur Jean-Pierre Vignoles, médecin-psychiatre,
Chef de pôle au centre hospitalier Le Vinatier (Lyon)
et Samuel Lézé, anthropologue de la santé mentale, maître de conférences à l’IFE-ENS de Lyon
Un événement organisé par la Mission Culture & Création de l’IFE – ENS de Lyon
avec le concours d’Anne Courant, responsable de la vidéothèque de l’ENS de Lyon
L’incorporation de l’autre
Mercredi 23 Mai
La ballade de Genesis et de Lady Jaye - Réalisation : Marie Loisier. 68’
Genesis P-Orridge est un artiste performeur, icône de la scène underground new-yorkaise
des années 70-80 : il s’appelait initialement Neil Andrew Megson. En 2003, il se lance dans
une expérience limite avec sa femme Lady Jay : se fabriquer un corps identique,
hermaphrodite, pandrogyne.
Marie Loisier suit ce couple pendant 7 ans, dans le processus de la transformation de leur
corps. Ce portrait déroutant, étrange, nous emporte dans cette expérience artistique où le
corps est le lieu de fabrication d’une nouvelle identité, au sens d’habiter le lieu d’une fabrique.
Genesis P-Orridge raconte comment il a vécu un traumatisme dans son enfance : une
humiliation qui le conduit à cette transformation corporelle, telle un réapprentissage de son
existence.
Mais, au-delà de cette métamorphose, La ballade de Genesis et de Lady Jay nous renvoie
aux espaces potentiels de nos créations et subversions primitives, lorsque nous inventons
des mondes à partir de l’exploration de notre propre corps.
Avec :
Pierre Péju, philosophe ; auteur de L’enfance obscure (Gallimard) -sous réserve-.
Mathieu Potte-Bonneville, philosophe, co-auteur de D’après Foucault. Gestes, luttes,
programmes (ed. Points Essais) ; maître de conférences à l’IFE-ENS de Lyon
Alice Leroy, doctorante en cinéma sur L’archéologie du corps utopique au cinéma ; membre du
laboratoire junior Corps : méthodes, discours, représentations de l'ENS de Lyon.
3ème séance
La fabrique du corps social
Lundi 4 juin -Date à confirmer-
La pieuvre - Réalisation : Laetitia Carton. 129’
La famille de Laetitia Carton vit sous l’emprise d’une maladie incurable qui se transmet par
les gènes, de génération en génération : la maladie de Huntington. La « pieuvre », comme
l’appelle la réalisatrice, s’est infiltrée dans tous les liens de parenté de cette famille et peut
en saisir chacun de ses membres, à tout âge, irrévocablement… Tous ne sont pas touchés
mais chacun, sans exception, apprend à grandir et vivre avec cette maladie neurodégénérative,
avec celles et ceux qui sont atteints : une mère, un père, un frère, une soeur, un grandparent,
un oncle, une cousine...
Laetitia Carton a réalisé ce film comme un journal intime sur la vie ordinaire de sa famille
déterminée par cette maladie. La réalisatrice ne sait pas si elle est porteuse du gène. Elle
redoute le résultat d’examen et en repousse l’échéance. Son documentaire est aussi un
journal de bord qui l’accompagne dans sa décision à faire le test, pour savoir si…
A travers ce témoignage, au quotidien, de cette confrontation familière et familiale à la
maladie, le film de Laetitia Carton nous montre la fabrique d’un corps social : celui-ci va de
soi sous le régime de la bonne santé, mais quand la maladie se diffuse au sein d’un groupe il
faut apprendre ou ré-apprendre à se tenir ensemble, à commencer par savoir envisager
l’avenir...
Avec,
Vololona Rabeharisoa, sociologue - professeur ; membre du Centre de Sociologie de
l’Innovation (CSI) - sous réserve-.
Emilia Sanabria, maître de conférences en anthropologie de la santé à l’IFE-ENS de Lyon et
titulaire de la Chaire INSERM Education & santé
Un événement organisé par
la Mission Culture & Création de l’IFE - ENS de Lyon
avec le concours d’Anne Courant, responsable de la vidéothèque de l’ENS de Lyon
Infos pratiques
Lieu : Institut Français de l’Education
19, allée de Fontenay - 69007. Lyon
Rez-de-chaussée : salle de réunion
Réservation indispensable auprès de Christian.lallier@ens-lyon.fr ; 04 26 73 11 36