Traumatismes de l'histoire, mémoire et éducation. Problèmes moraux et politiques
La mémoire des traumatismes de l’histoire (Shoah, colonisation, communisme réel, traites négrières …) occupe une place singulière dans les dispositifs éducatifs et civiques, comme si nous attendions de nos commémorations négatives qu’elles puissent refonder une morale fondamentale et supprimer les risques de perversion politique.
Séminaire organisé dans le cadre de la convention avec l'INRP, Lyon
(Institut national de recherche pédagogique) et avec le soutien de
l'Université Paris 6-Pierre et Marie Curie.
Par Sophie Ernst, chargée d'étude à l'INRP au sein de l'équipe ECEHG
Les mercredis 21 octobre, 25 novembre et 16 décembre 18h30-20h30
Salle J16, Université Paris 6-Pierre et Marie Curie, 4 place Jussieu, 75005 Paris
Ce séminaire s'inscrit dans le prolongement du livre publié par l'INRP : Quand les mémoires déstabilisent l'école. Mémoire de la Shoah et enseignement.
Il s’agit d’examiner, dans ses contradictions et fragilités, cet ensemble composite tel qu’il s’est imposé dans le débat public et les pratiques sociales : devoir ou travail de mémoire, émergence des témoins et des victimes, identité nationale, identités minoritaires, reconnaissance des souffrances et réparations, « victimisme » et « repentance », luttes contre racisme, antisémitisme et discriminations, éducation à la citoyenneté, etc.
De quels enjeux de fond les questions mémorielles sont-elles l’effet et le symptôme ? L’appel à la mémoire est toujours traversé d’affects et s’efforce d’agir sur autrui, dans une tentative jamais certaine d’atteindre son but : qu’il émane du pouvoir politique ou de divers groupes sociaux, il se fait injonction, exhortation, revendication, intimidation, supplication, résolution… Il crée un nous, de périmètre incertain, qui englobe parfois l’universel, qui parfois fragmente, créant un « Nous et vous », « Nous et eux », et paradoxalement réveille la hantise du « Nous contre vous », « Nous sans eux ». Les mémoires blessées commandent des morales incertaines et régissent des identités fragiles – même si le ton péremptoire des controverses donne le change.
Que devient notre capacité à imaginer l’avenir, quand la formule de l’idéal se rétracte sur une injonction négative, tournée vers le passé : « ne pas recommencer les fautes du passé » ? L’imaginaire fixé sur « ce qu’il aurait fallu faire » ou « ce qu’il aurait fallu éviter » peut-il faire face aux défis du présent ?
Quel univers moral et politique cherchons-nous à constituer, dans ce rapport au temps inédit ? Une approche philosophique attentive à la variété concrète des discours et des pratiques peut permettre d’éclairer ces configurations nouvelles.