L'évaluation des politiques d'éducation et de formation
En avril 2004, le comité "Modes et procès de socialisation" a organisé un colloque permettant de dresser un état des lieux des évolutions de la sociologie de l'éducation parallèle à celle de l'institution scolaire dans la société. Le constat a été fait que l'objectif de la "formation tout au long de la vie" porté par les organisations internationales, en remettant en cause le partage du temps des études et celui de la production, introduisait les principes du nouvel esprit du capitalisme, c'est-à-dire un fonctionnement en réseau des organisations scolaires et une régulation par de nouveaux modes de gouvernance. Au-delà ce mot d'ordre, il est apparu que la fin du grand renfermement était inséparable d'une recomposition de champ entre l'éducation et le travail, en même temps qu'elle générait une interrogation de la sociologie de l'éducation sur ses propres instruments d'analyse et sur sa dimension critique. À Tours, en juillet 2004, le congrès de l'AISLF a fourni l'occasion d'un approfondissement théorique concernant la mise en place d'un nouvel ordre éducatif mondial qui déplace les enjeux des politiques d'éducation et de formation au niveau national, et consacre la montée en puissance de nouveaux acteurs se substituant à l'action étatique. Ces changements nécessitent un renouveau des analyses macrosociologiques mais aussi une perspective historique permettant de reconstruire l'extériorité du regard sociologique et de se positionner par rapport à une expertise devenue prédominante.
organisé par l'UMR Éducation & Politiques, Lyon
les 12 et 13 septembre
Suite à ces discussions, le comité a considéré que la question de l'évaluation des politiques d'éducation et de formation, comme élément commun à de nombreux systèmes éducatifs, pouvait faire l'objet d'un colloque permettant de réunir des chercheurs de plusieurs pays afin de confronter leurs analyses et d'établir des comparaisons. En effet, émergent de nouveaux cadres de connaissance et d'action au niveau européen et international en même temps qu'ils sont portés par de nouveaux instruments : indicateurs internationaux, standards de qualité, nouvelles classifications de l'éducation. Outils de mesure garantissant une objectivité scientifique pour les uns, outils de gouvernement renforçant les prescriptions des organisations internationales pour les autres, le rôle et l'intérêt de ces instruments sont fortement controversés et débattus dans les milieux scientifiques et politiques. Toutefois, ce débat n'a d'intérêt que s'il est resitué dans le contexte plus large d'une transformation des modes de régulation et d'évaluation des acteurs et des organisations dans différentes sphères de l'éducation et de la formation. C'est pourquoi la première journée du colloque sera consacrée, dans le cadre de l'intégration européenne, à la mise en place d'un gouvernement par les normes qui s'accompagne d'une recomposition entre évaluation et politique et d'un déplacement des formes de l'action publique au niveau international et régional. Elle sera prolongée par une deuxième journée au cours de laquelle les contributeurs rendront compte de la manière dont les nouveaux cadres de référence de la formation tout au long de la vie possèdent des effets structurants sur les modes de régulation et de coordination entre acteurs du local au global et sur les formes d'évaluation des individus de l'éducation au travail.
Comité scientifique :
Jean-Émile Charlier , Facultés Universitaires Catholiques à Mons, Belgique
Jean-Louis Derouet , INRP, UMR Éducation & Politiques, Lyon, France
Marie-Claude Derouet-Besson , INRP, UMR Éducation & Politiques, Lyon, France
Jacqueline Gautherin , Université Lumière-Lyon 2, UMR Éducation & Politiques, France
Monique Hirschhorn , Université René Descartes-Paris V, France
Walo Hutmacher , Université de Genève, Confédération Helvétique
Claude Lessard , Université de Montréal, Québec, Canada
André Petitat , Université de Lausanne, Confédération Helvétique
Céline Saint-Pierre , Chaire Fernand Dumont, Québec, Canada
Claude Trottier, Université Laval, Québec, Canada
Anne Van Haecht, Université Libre de Bruxelles, Belgique
Comité d'organisation :
Jean-Louis Derouet , INRP, UMR Éducation & Politiques, Lyon
Marie-Claude Derouet-Besson, INRP, UMR Éducation & Politiques, Lyon
Jacqueline Gautherin, Université Lumière-Lyon 2, UMR Éducation & Politiques, Lyon
Romuald Normand, INRP, UMR Éducation & Politiques, Lyon
Programme [pdf - 25 ko] -
Programme
Lundi 12 septembre
L'évaluation des politiques d'éducation et de formation : outil de mesure ou de gouvernement ?
En quelques décennies, l'évaluation est devenue un objet incontournable des politiques d'éducation et de formation au niveau international. Si les pays anglo-saxons ont été les premiers à mettre en place des instruments de mesure de l'efficacité et de qualité, ils ont été rapidement accompagnés par les grandes organisations internationales qui ont ensuite incité d'autres États à rejoindre ce mouvement. Aujourd'hui, la fixation d'objectifs à atteindre, la mise en place de standards, le développement des tests sont présentés comme un préalable nécessaire au pilotage des systèmes et des organisations, les acteurs de l'éducation et de la formation devant rendre compte de leur capacité à accompagner l'entrée dans la société de la connaissance. Ces instruments participent-ils ou non d'un affaiblissement de la régulation étatique ? Viennent-ils compléter les outils existants et selon quelles finalités ? Marquent-ils une continuité historique (les grandes organisations internationales ayant toujours produit des référentiels dont le but était d'organiser les politiques des États) ou au contraire une rupture caractérisant l'émergence d'un gouvernement par les normes au niveau européen ou international ?
8h30-9h15 Accueil des participants
9h15-9h30 Ouverture par Emmanuel Fraisse, Directeur de l'INRP
9h30 - 10h Présentation du colloque
Jean-Louis Derouet & Romuald Normand, UMR Éducation & Politiques, INRP, France
10h - 12 h 30 De l'État aux territoires : nouveaux outils, nouvelles régulations
Depuis les années 60, les politiques de l'éducation et de la formation se sont beaucoup appuyées sur les analyses en termes d'inégalité des chances en même temps qu'on exigeait de la part de l'État-évaluateur une meilleure adaptation de la formation à l'emploi, une mise en valeur plus importante des compétences scientifiques et techniques, l'octroi d'une plus grande autonomie aux acteurs. En parallèle, des institutions internationales et régionales contribuaient à faire émerger de nouvelles exigences dans le domaine de l'évaluation. Comment analyser ces transformations sur un plan historique, sociologique, économique ? Quels ont été les nouveaux instruments qui ont supplanté les anciens ? Pour quelles équivalences ? Quelles sont les implications en termes de conduite de l'action publique ? Quelles sont les tensions et les contradictions qui émergent à différentes échelles ?
Président : Yves Grafmeyer, Vice-président Université Lumière Lyon 2
De l'accountability aux standards : la traduction européenne des politiques de la performance
Romuald Normand, UMR Éducation & Politiques
L'évaluation dans une société piliarisée et un État plurilingue : l'exemple de la Belgique
Jean-Émile Charlier, Facultés Universitaires Catholiques à Mons, Belgique
La décentralisation de l'évaluation en région : un impossible compromis
Éric Verdier, LEST-CNRS, Université d'Aix-Marseille, France
Discutant : Baptiste Dumas, Groupement d'Intérêt Public - Pôle Rhône-Alpes Orientation (GIP-PRAO), France
14 h 30 - 17 h 30 Évaluation et politique : de la qualité aux indicateurs
La qualité est devenue un objectif essentiel de l'évaluation des politiques d'éducation et de formation. Des standards sont établis qui accompagnent une mesure de la rentabilité et de l'efficacité des acteurs, des organisations et des systèmes. Le paradigme de la qualité constitue aujourd'hui un référent communément accepté et partagé par les grandes organisations internationales alors que son usage s'étend dans les sphères de la formation professionnelle et de l'enseignement supérieur. Est-ce le signe de l'émergence d'un gouvernement par les normes au niveau européen ? Quelles sont les implications d'une extension du paradigme de la qualité à l'éducation et à la formation ? Quels sont les enjeux de ces nouvelles formes d'évaluation dans le cadre d'une société de la connaissance ?
Président : Roger-François Gauthier, Inspecteur Général de l'Administration de l'Éducation Nationale et de la Recherche
Les enjeux d'une évaluation de la qualité par les indicateurs
Norberto Bottani, Service de Recherche en Éducation, Genève, Suisse
La construction d'indicateurs d'équité en Europe
Denis Meuret, Université de Bourgogne, IREDU-CNRS
PISA : quels usages pour quels savoirs ?
Patrick Rayou & Élisabeth Bautier, ESCOL, Paris VIII, France
PISA : Controverses et débats en Belgique francophone
Frédéric Moens, Facultés Universitaires Catholiques à Mons, Belgique
La politique des statistiques : l'influence des organisations internationales
Roser Cusso, Université Libre de Bruxelles, Belgique
Discutant : Jean-Claude Emin, Direction de l'Évaluation et de la Prospective , Ministère de l'Éducation nationale, France
Mardi 13 septembre
Évaluations, politiques, acteurs de l'éducation et de la formation : l'émergence de nouveaux cadres de référence
Les outils d'évaluation accompagnant les transformations des politiques d'éducation, même s'ils s'appuient imparfaitement sur les référentiels de la formation tout au long de la vie, mettent à l'épreuve les acteurs et les organisations en renégociant les grands partages qui constituaient les études comme univers séparé de la production : formation initiale / formation continue, enseignement général/ enseignement professionnel, diplôme / qualification, etc. De même, la rhétorique des grandes organisations internationales (décentralisation, gouvernance, portefeuille de compétences, guidance professionnelle, etc.) circule d'un pays à l'autre, non sans interroger les contextes locaux et les traditions nationales. Quelles réalités recouvrent le sentiment de convergence et d'harmonisation que produisent ces évolutions ? Comment les acteurs de l'éducation et de la formation s'emparent-ils de ces nouveaux référentiels et outils de pilotage ? Quels sont les effets de ces changements en termes de validation et de certification des compétences pour les individus ?
9 h 30 - 12 h 30 L'évaluation en action : vers de nouvelles régulations intermédiaires ?
L'implantation de cadres et d'instruments d'évaluation définis au niveau international met en scène une diversité d'acteurs et de régulations dans les États et les régions. Elle génère des résistances et des intérêts, des critiques et des compromis, qui conduisent à une adaptation de l'évaluation au contexte national et local. Les acteurs opèrent donc un travail de reproblématisation des enjeux de l'évaluation en fonction des ressources et des compétences qu'ils mobilisent dans différentes situations. Comment s'opèrent ces régulations intermédiaires autour de l'évaluation ? Comment se partagent les effets sociétaux et les effets de contexte liés à l'émergence de nouveaux référentiels de la formation tout au long de la vie ? Quelles sont les compétences attendues des acteurs en termes de régulation de l'évaluation ? Assiste-t-on à une normalisation des procédures au nom des "bonnes pratiques" ou au contraire à l'émergence de formes d'évaluation hybrides en raison du maintien de fortes spécificités au niveau national et local ?
Président : Alain Bouvier, Institut National de Recherche Pédagogique
Évaluation, management et pilotage du système éducatif : une comparaison européenne
Lise Demailly, CLERSE, Université Lille 1, France
Évaluation, " bien public " et marché. Les incertitudes de la politique en communauté française de Belgique. Anne Van Haecht, Université Libre de Bruxelles, Belgique
L'enseignement supérieur face à l'évaluation : la qualité comme nouveau paradigme
Annie Vinokur, Université Paris X, France
Décentralisation et évaluation : les incertitudes d'une politique nationale de formation professionnelle
Catherine Agulhon, Université Paris V, France
Discutant : Jean Favelier, Délégué Académique à la Formation et à l'Action Pédagogique, Académie de Lyon
14 h - 16 h L'évaluation des compétences entre justesse et justice
Pendant longtemps, l'évaluation des compétences dans l'éducation et la formation était liée à la passation d'examens et à l'obtention de diplômes nationaux. On assiste aujourd'hui à l'émergence de nouvelles formes de validation et de certification, promues par les grandes organisations internationales, qui visent à se substituer aux cadres anciens au nom d'un impératif de flexibilité et de mobilité considéré comme nécessaire à l'entrée des individus dans la société de la connaissance. Quels sont les enjeux de cette remise en cause des qualifications et des titres traditionnels ? Quelles garanties sont associées aujourd'hui à l'évaluation individuelle des compétences ? Sur quels instruments s'appuie la construction de ces nouveaux référentiels ? Quelles sont les nouvelles épreuves auxquelles font face les salariés, mais aussi les personnes sur le chemin de la qualification ou de l'insertion ?
Président : Jean-Claude Rabier, Université Lumière Lyon 2
Les conventions de compétences dans l'entreprise : les limites de l'individualisation
François Eymard-Duvernay, UMR Forum-CNRS, Paris X Nanterre
Les politiques récentes de formation continue : entre les régulations marchande et industrielle
Pierre Doray, Université du Québec à Montréal
Discutant : François Aventur, Consultant, Cabinet Amnyos
16 h - 16 h 30 Conclusion du colloque
Jean-Louis Derouet & Romuald Normand, UMR Éducation & Politiques, INRP, France