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EN QUÊTE D'ÉCOLE : épisode 10 (10/03/2021)

notes, évaluation, compétences, classement, compétition,

Faut-il supprimer les notes ?

On se rappelle tous du prof qui ne mettait jamais 20 sur 20 par principe, ou de la prof qui notait entre 8 et 14. On se rappelle de nos très mauvaises notes, celles qu’il fallait cacher aux parents, on se rappelle aussi des très bonnes notes, ou des notes spéciales comme celles du bac, moi je me rappelle même de ma note de TPE. Les notes, rien que les notes, toujours les notes, voilà ce qui nous obsède en France. Mais d’où vient cette passion et pourquoi les notes sont-elles autant critiquées depuis plusieurs années ?

L'invention de la note sur 20

Est-ce que les notes ont toujours existé ? La réponse est non. Dans son livre L’Évolution Pédagogique Emile Durkheim, rapporte qu’au XVIème siècle dans les écoles Jésuites, les notes n’existent pas. En revanche ce qui existe c’est une compétition très forte entre les élèves. Chaque classe est divisée en deux camps qui s’affrontent pour obtenir la victoire. Un oral de latin réussi fait gagner quatre points, par contre une dissertation de philosophie bâclée fait perdre 6 points. Au fil des mois les élèves rapportent des points à leur camp dans l’espoir d’obtenir la victoire et les honneurs à la fin de l’année. Chaque élève est aussi classé individuellement, un classement qui est affiché sur la porte de la classe, et donne lieu à une remises de prix à la fin de l’année. Le classement et la compétition sont donc deux valeurs très anciennes dans notre système éducatif. Les notes en revanche, apparaissent bien après. Elles sont inventées pour le concours d’entrée de l’école polytechnique en 1852

Avant d’avoir le droit de porter le calot de l'Ecole polytechnique, il faut passer le concours d’entrée. Et dans les années 1800 la sélection des candidats se fait par classement. Des examinateurs sont envoyés dans toutes les grandes villes de France et chacun en revient avec un classement des candidats. Mais voila, il faut ensuite mettre en commun tous ces classements pour établir une liste d’admis au niveau national. La manœuvre est compliquée et entraîne beaucoup de contestations. C’est pourquoi en 1852 pour faciliter les choses, le fondateur de polytechnique décide d’introduire un barème chiffré. C’est l’invention de la note sur 20. À l’origine de la note chiffrée il y’a donc une volonté : celle de départager objectivement des candidats, de proposer une mesure fiable et scientifique de leurs performances. Mais cela est-il vraiment le cas ?

Des études qui remettent en cause la fiabilité de la note

En 1936, deux psychologues: Laugier et Weinberg se questionnent sur la fiabilité de la notation qui s’est répandue dans tous les concours et examens. Ils demandent donc à différents correcteurs du baccalauréat de noter une même copie. Les résultats sont accablants: l’écart de notes entre deux corrections va jusqu’à neuf points en mathématiques et treize points en français. D’autres études montrent qu’un même correcteur à un an d’intervalle note différemment jusqu’à la moitié des copies corrigées, à un an d’intervalle. Aujourd’hui le système scolaire a bien conscience de ces écarts, et c’est d’ailleurs pour cela qu’il existe des commissions pour harmoniser les notes lors des examens nationaux.

Donc on enlève trois points par ci, on rajoute deux points par là, avec ça les notes ressemblent plus à de la cuisine qu’à un système scientifique pointu. Et tout cette tambouille interne n’a qu’un but : se rapprocher d’une moyenne socialement acceptable, cad une moyenne autour de 10. En 2003 André Antibi, chercheur en didactique remarque un fait étonnant :  quelle que soit la discipline ou le niveau, les notes sont presque toujours réparties selon trois ensembles avec un tiers de bonnes notes, un tiers de notes moyennes et un tiers de mauvaises. Ce modèle, c’est ce qu’il appelle la constante macabre.

Si André Antibi parle d’un dysfonctionnement, c’est parce que la notation chiffrée a les mêmes effets que le classement: elle distingue les meilleurs et exclut les autres. Les conséquences sont bien connues compétition, anxiété, stress, mais aussi bachotage et apprentissage superficiel. Les élèves travaillent pour la note. Et comment leur en vouloir ? Le passage dans la classe supérieure dépend de leur moyenne générale, leurs affectations Parcoursup dépendent de leur notes, et l’intérêt parental pour leurs études se concentre bien souvent dans une question « T'as eu combien ? ».

évaluer sans notes c'est possible ?

Posez cette question à des petits finlandais, danois ou suédois et ils ne sauront pas quoi vous répondre. Ces trois pays ont interdit les notes à l'école primaire depuis plusieurs décennies et les ont remplacées par des suivis individuels ou des évaluations par compétences. Et cette faible importance donnée à la note se poursuit dans le secondaire, au Danemark les élèves sont notés bien moins souvent qu'en France et sur une échelle qui va de 1 à 6.

En France aussi depuis plusieurs décennies un vent de renouveau souffle sur l’évaluation en particulier au primaire. Autoévaluation, évaluation par les pairs, évaluations par ceintures de compétences, autant de pratiques qui permettent de rendre les élèves plus responsables de leurs apprentissages et de donner du sens à ce qu’ils font. Depuis une dizaine d’années l’évaluation sans notes majoritaire en primaire se diffuse aussi dans le secondaire en sixème et cinquième, mais souvent les notes sont de retour en quatrième pour préparer le brevet. Dans la base de données Innovathèque on retrouve pourtant une quarantaine d’expérimentations autour de l’évaluation en lycée et notamment avec l'évaluation par contrat de confiance. 

Rendre l’évaluation transparente et démocratique c’est refuser d’en faire un piège, une punition, c’est donner aux élèves toutes les clés, tous les critères explicites sur lesquels ils seront évalués, c’est évaluer ce qui est prévu, par autre chose, c’est peut-être aussi redonner une place moins importante à l’évaluation, ou du moins lui donner la place qu’elle mérite c’est à dire un moyen et pas une fin.

Et pour aller plus loin ...

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    Émission préparée par ...

    • Production - Rédaction : Diane Béduchaud
    • Réalisation technique : Sébastien Boudin
    • Habillage sonore : Diane Béduchaud, Sébastien Boudin
    • Musique : Joakim Karuk, Love mode
    • Remerciements : Marie Gaussel

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