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Vous êtes ici : Accueil / EN QUÊTE D'ÉCOLE / #2 Où sont les femmes ? Retour sur l'éducation des filles en France

EN QUÊTE D'ÉCOLE : épisode 2 (rediffusion du 05/02/2020)

L'éducation mixte des filles et des garçons a moins de 50 ans en France! Pendant longtemps l'éducation des filles a été limitée en raison de stéréotypes sur l'intelligence des femmes et leur "fonction" domestique.Retour sur trois moments historiques pour comprendre l'évolution de l'éducation des filles en France.

Où sont les femmes ? Retour sur l'éducation des filles en France

L’éducation mixte des filles et des garçons en France, ça paraît évident, et pourtant ça a moins de cinquante ans. Il a fallu du temps, des luttes et des livres pour se débarrasser des stéréotypes sur la prétendue infériorité intellectuelle des femmes.

cHRISTINE DE PISAN : pour l'égalité d'éducation entre filles et garçons dès le moyen-âge

Christine de Pisan est probablement la première femme à affirmer publiquement en France sa conviction de l’égalité intellectuelle des deux sexes. Née vers 1365 à Venise, elle grandit en France, à la cour du roi, où son père est médecin et astrologue. Elle montre très jeune un goût certain pour les études et son père la pousse à étudier, mais la mère de la jeune fille n’est pas de cet avis. Christine doit donc se contenter de l’éducation réservée aux filles nobles de son temps. Elle apprend la couture, la poésie, et elle apprend surtout à devenir une bonne épouse.

Son éducation porte ses fruits, elle est mariée à quinze ans mais se retrouve veuve dix ans plus tard, ce qui n’était pas rare pour l’époque. À seulement 25 ans, elle doit donc s’occuper seule de trois enfants mais aussi de sa mère et d’une nièce. Pas la meilleure situation pour se lancer dans la vie. Deux possibilités s’offrent à elle : soit elle se remarie, soit elle entre au couvent.  Elle décide...de ne faire ni l’un ni l’autre et choisit de vivre de sa plume. Elle devient selon les mots de l’époque un « homme de lettres », un choix révolutionnaire qui lui a valu de nombreuses critiques.

Bien décidée à lutter pour le droit à l’éducation qu’elle n’a jamais eu, Christine de Pisan écrit un livre dédié aux grandes figures féminines de l’histoire, elle l’intitule: La Cité des Dames. Dans ce livre elle affirme que si les femmes sont moins savantes que les hommes c’est parce qu’elles ne vont pas à l’école, parce qu’elles ne reçoivent pas la même éducation que les garçons. Alors oui ça paraît évident, mais tout le monde n’était pas d’accord avec elle à l’époque. Et elle ajoute que les femmes souffrent d’un manque d’expérience du monde réel, car elles sont contraintes de s’occuper des affaires domestiques et de rester enfermées chez elles. Et puis, elle accuse les hommes de laisser délibérément les femmes dans l’ignorance, par peur des femmes intelligentes.

« Ton pere estoit grammairien et philozophe n'estoit pas d'oppinion que femmes vaulsissent pis par sciences, ains de ce que encline te veoit aux lettres, si que tu sces, y prenoit grant plaisir. Mais l'oppinion de ta mere, qui te vouloit occuper de filasses, selon l'usage commun des femmes, fut cause de l'empeschement que ne fus, en ton enfance, plus avant boutée es sciences et plus parfont. »
« Si la coustume estoit de mettre les petites filles a l'escole, et que communément on les fist apprendre les sciences comme on fait aux filz, qu'elles apprendroient aussi parfaitement et entenderoient les subtilités de toutes les arz et sciences comme ils font. »
Christine de Pisan, La Cité des Dames, 1405.

les demoiselles de saint cyr, un exemple d'innovation dans l'éducation des filles AU XVII ème siècle

Les femmes intelligentes et éduquées font encore peur quelques siècles plus tard. Nous voila au XVII ème siècle, vers 1650, c’est le temps de Molière, et de Louis XIV, le roi soleil, celui qui a aménagé le château de Versailles. Alors c’est une époque d’interrogations, on se rend bien compte qu’il faut éduquer les filles, mais qu’est-ce qu’on va bien pouvoir leur enseigner ? La politique c’est pour gouverner, donc ça les concerne pas, la géographie et l’histoire pareil, bon en fait on va leur laisser la couture et le catéchisme, c’est bien ça, ah et puis surtout, surtout, elles doivent apprendre à se taire, c’est pas moi qui le dit, c’est un des grands penseurs de l'époque, Fénelon, dans son Traité d'Education des filles.

« Rien n’est plus négligé que l’éducation des filles. La coutume et le caprice des mères y décident souvent de tout : on suppose qu’on doit donner à ce sexe peu d’instruction [...] Il est vrai qu’il faut craindre de faire des savantes ridicules. Les femmes ont d’ordinaire l’esprit encore plus faible et plus curieux que les hommes ; aussi n’est-il point à propos de les engager dans des études dont elles pourraient s’entêter. Elles ne doivent ni gouverner l’état, ni faire la guerre, ni entrer dans le ministère des choses sacrées ; ainsi elles peuvent se passer de certaines connaissances étendues, qui appartiennent à la politique, à l’art militaire, à la jurisprudence, à la philosophie et à la théologie. La plupart même des arts mécaniques ne leur conviennent pas : elles sont faites pour des exercices modérés. Leur corps aussi bien que leur esprit, est moins fort et moins robuste que celui des hommes ; en revanche, la nature leur a donné en partage l’industrie, la propreté et l’économie, pour les occuper tranquillement dans leurs maisons. »
Fénelon, Traité de l'éducation des filles, 1687.

Ce n'était pas bien parti... Mais pourtant à la fin du siècle en 1686, une petite révolution est en marche. Poussé par la marquise Me de Maintenon, le roi soleil, Louis XIV, décide de fonder un pensionnat pour éduquer les demoiselles de la noblesse. Et il le fait construire dans le grand parc loin de Versailles où il réside. La maison royale de Saint Cyr a pour objectif de créer une élite féminine. Me de Maintenon, qui est la favorite du roi, recrute ses élèves dans les familles nobles dont le père est ruiné ou mort à la guerre. Les demoiselles n'apprennent pas seulement la danse et la musique, Me de Maintenon veut former des jeunes filles érudites, capables d'aider leurs futurs maris. Elles reçoivent donc aussi des cours pour apprendre à gérer un domaine. C'est un pari sur l'intelligence des femmes.

Mais c’est surtout au XIX ème siècle, à partir des années 1830, que la scolarisation de tous les enfants et donc des filles, progresse énormément. C’est l’époque de Jules Ferry, bah oui les lois sur l’école gratuite, obligatoire pour tout le monde. Ça vous parle ça. C’est en 1882, à la fin du siècle, mais avant il y’a quelques améliorations, la loi Falloux en 1850 qui impose d’ouvrir des écoles primaires pour les filles dans toutes les communes, mais l’enseignement secondaire, et l’université sont encore réservées aux garçons, Mais Il y’a une femme qui va changer l’ordre des choses, elle s’appelle Julie-Victoire Daubié et elle nait en 1824 dans les Vosges.

JULIE VICTOIRE DAUBIé :  premier bachelier de sexe féminin en france

Julie Victoire est la dernière d’une fratrie de huit enfants. Elle part rapidement de chez elle pour travailler en tant que gouvernante. Pendant ses quelques heures de repos, elle se consacre à l’écriture d’un essai sur la condition de la femme pauvre au XIX ème siècle. Elle remporte le premier prix de l’Académie des sciences de Lyon. Pas mal pour quelqu’un qui n'a fait que l’école primaire.

Forte de son succès, Julie Victoire (un nom prédestiné quand même) décide de préparer le baccalauréat, pourtant réservé aux hommes. Elle s'inscrit d’abord auprès des rectorats de l'académie de Paris et d'Aix, mais sa candidature est refusée. C'est finalement l'université de Lyon qui accepte sa candidature, mais pour concourir, elle doit rattraper toutes les matières qu’elle n’a pas pu étudier à l’école, car elles étaient réservées aux garçons. Avec son frère, elle passe des heures à réviser le grec et le latin. Et le 17 août 1861 à trente-sept ans, elle passe les épreuves écrites du bac à Lyon et … elle l’obtient ! Elle devient selon les mots du jury « le premier bachelier de sexe féminin qu'ait proclamé l'Université de France » ! Oui ils avaient pas de terme pour les femmes qui passaient le bac. Elle deviendra 10 ans plus tard la première femme à obtenir une licence à l’Université, en 1871.

Quelques années après sa réussite, en 1880, l’État va ouvrir l’enseignement secondaire aux jeunes filles, mais bon elles elles n’ont toujours pas le droit de préparer le baccalauréat, alors oui on leur crée un autre diplôme rien que pour elles, un diplôme de fin d’études, mais en fait il donne droit à rien du tout, c’est plutôt pour faire joli sur la cheminée. Il faudra attendre 1924, soit plus de cent ans après la création du baccalauréat, pour que les femmes soient légalement autorisées à passer l’examen, et donc à entrer à l’université.

En fait la situation de mixité et d’égalité dans laquelle on est aujourd’hui est inédite, mais surtout très récente : 1975 pour la mixité à l’école. Et l’histoire nous montre combien de combats et d’années ont été nécessaires pour y parvenir. Et puis, il y a encore du boulot : si les filles réussissent mieux que les garçons à l’école, et à l’université en moyenne, plus on monte dans la hiérarchie on compte seulement onze femmes présidentes d’université pour soixante-deux hommes.

Et les inégalités de réussite entre filles et garçons font d’ailleurs écho à un autre type d’inégalités, celles qui se creusent entre les élèves en fonction de leurs classe sociale, mais ça je vous en parle la prochaine fois. 

Et pour aller plus loin ...

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    Émission préparée par ...

    • Production - Rédaction : Diane Béduchaud
    • Réalisation technique : Sébastien Boudin
    • Habillage sonore : Diane Béduchaud, Sébastien Boudin
    • Musique : Joakim Karuk, Love mode
    • Remerciements : Béatrice Béduchaud

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