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EN QUÊTE D'ÉCOLE : épisode 1 (rediffusion 07/01/2020)

histoire éducation, charlemagne,

Qui a eu cette idée folle ?

C'est ce sacré Charlemagne ,...

Alors oui, France Gall a beaucoup de qualités, mais malheureusement il faut un peu nuancer cette histoire d’invention de l’école par Charlemagne, parce que des écoles on en retrouve bien avant 800, dès l’Egypte antique, et après dans les empires romains et grecs, donc non Charlemagne n’a pas inventé l’école. Mais par contre c’est vrai qu’il lance une grande politique éducative à un moment où le niveau d’éducation dans l’Empire est très bas. Même les prêtres écrivent mal, ils recopient la Bible avec des fautes et ils font des erreurs quand ils disent la messe en latin.

L’Empereur décide de prendre ça en main. Il fait venir à la cour les membres du clergé et les fils des seigneurs et invite des savants de toute l’Europe pour les former, leur apprendre à écrire et lire correctement. Et c’est ce système qui va être appelé l’École du Palais. En réalité, on sait que l’École du Palais n’est pas une innovation sortie de nulle part :

« Nous savons que les Mérovingiens appelaient à leur cour les fils de leurs principaux seigneurs, les  y faisaient élever de manière à se les attacher par des liens plus solides, en même temps qu'ils leur assuraient en retour, d'importants avantages; C'est à eux, en effet qu'étaient réservées les principales charges de l'Etat. »
Emile Durkheim, L'évolution pédagogique en France, 1904-1905.

Et au même moment, et c’est sûrement comme ça que le mythe s’est construit, il recommande aux prêtres d’ouvrir des écoles à côté de toutes les églises de l’Empire pour y éduquer tous les enfants. Alors ça on sait pas trop si ça a marché. Déjà parce que l'obligation scolaire n'existe pas, donc si les parents préfèrent envoyer leurs enfants travailler aux champs, personne ne s’y oppose. Et ensuite parce qu’il y a un problème : c’est que pour étudier il faut du temps. Scholê en grec ça veut dire oisiveté, inactivité, donc les études longues ça reste un loisir réservé aux enfants de la noblesse.

Et l’école à l’époque c’est surtout le lieu où on apprend à lire et à comprendre les textes sacrés: on lit des extraits de la Bible, on recopie des psaumes, pas de débats, pas d’argumentation, rien. Alors après quelques siècles, les élèves de la plus prestigieuse école du royaume, l’École cathédrale Notre Dame de Paris, commencent à se rebeller.

Des étudiants rebelles créent l'Université au moyen-âge

Et en 1150 c’est la révolte générale, les étudiants quittent leur école, accompagnés de quelques professeurs rebelles, et tous ensemble ils traversent la Seine, et vont s’installer dans un autre quartier, sur la rive gauche, et là ils commencent à faire cours sans suivre les programmes établis par l’Evêque, et c’est comme ça que naît l’Université du latin universitas, qui veut dire communauté.

Alors au début c’est un peu à la bonne franquette, les groupes d’étudiants n’ont pas de bâtiment dédié, ils vagabondent, ils s’installent où ils peuvent, et parfois ils font même cours dehors, comme quoi les problèmes de salles à la fac, ça ne date pas d’hier. Mais l’université de Paris, elle n’est pas née toute seule, elle s’inspire du modèle de l’Université de Bologne en Italie, ou d’Oxford en Angleterre, qui ont été créées quelques années avant, en tout on en compte seulement une dizaine dans toute l’Europe vers 1250. Alors forcément les étudiants se retrouvent tous dans les mêmes villes, dans les mêmes quartiers, et parfois ils n’ont pas d’argent pour se payer un appartement, encore un problème qui remonte au Moyen-Âge. Et vers 1300, pour éviter que tous ces jeunes tombent dans la pauvreté ou la délinquance, des associations de charité ouvrent des maisons appelées collèges où les étudiants les plus pauvres peuvent se loger et manger gratuitement. Avec les écoles primaires, les collèges et les universités, à la fin du moyen-âge le système scolaire d’aujourd’hui est presque fin prêt !

« Il y avait des nobles et des roturiers, des fils de gentilshommes assez riches pour avoir à leur service, par pure ostentation, des domestiques qui portaient devant eux de gros livres, et des fils de vilains, si pauvres, qu'ils se faisaient domestiques et se livraient à toute sorte de petits métiers, comme celui de porteurs d'eau bénite à domicile pour payer leurs frais d'études. »
Emile Durkheim, L'évolution pédagogique en France, 1904-1905.

 l'enseignement humaniste: L'éducation passe de la bibliothèque au jardin

Mais la démarche intellectuelle qui prévaut c’est la scolastique : les élèves passent leurs études à analyser des concepts, à commenter les textes sacrés et à produire des raisonnements et des discussions bien éloignées de la réalité. Et cette manière d’enseigner va être tournée en dérision à la Renaissance, par des auteurs comme Rabelais. Dans l’œuvre du même nom, il décrit l’enfance de Gargantua, un géant un peu ridicule qui suit une éducation scolastique, il passe son temps à recopier des textes, ou à les réciter, sans rien y comprendre, il va même apprendre l’alphabet à l’envers et ça lui prend cinq ans.

Puis à l’adolescence il va commencer une nouvelle éducation fondée sur les valeurs de l’humanisme, son précepteur lui enseigne la religion, la médecine, mais aussi la morale et le sport. Son éducation a lieu partout et tout le temps, dans le jardin, dans la cuisine, et même aux toilettes. Une éducation complète par un précepteur qui accompagne l’enfant au jour le jour, c’est l’idéal qui se construit à la Renaissance. Mais en pratique il y a seize millions de Français, donc si on veut éduquer le plus grand nombre il faut des enseignements collectifs et gratuits, et ça c’est la spécialité de l’Église. 

Les Jésuites, l'éducation de la théorie à la pratique

« Né à l'ombre des églises et des monastères, il [l'enseignement] s'en est peu à peu affranchi, s'est constitué avec les Universités, un organe spécial, distinct de l'Eglise et qui, tout en rappelant par certains de ses caractères ses premières origines, ne laissait pas d'être en partie laïque. Voila que, avec les Jésuites, le centre de la vie scolaire se trouve de nouveau reporté là où il était trois ou quatre siècles plus tôt, c'est à dire au sein même du sanctuaire. » 
Emile Durkheim, L'évolution pédagogique en France, 1904-1905.

Vers 1600, les Jésuites ouvrent des écoles gratuites pour tous, et ils ont pas mal de succès. Ils s’inspirent à la fois de la scolastique pour l’étude des textes, mais ils reprennent aussi des éléments de l’humanisme comme l’idée d’une éducation globale des enfants, et ils amènent des nouvelles valeurs dans l’enseignement comme l’effort ou le mérite, la compétition entre les élèves pour les notes, et la distribution des prix à la fin de l’année, c’est encore eux. En tout cas ce qui est certain c’est qu’avec les Jésuites l’idée d’une instruction gratuite de masse émerge et elle va complètement se solidifier à la Révolution.

Les débats des révolutionnaires sur l'éducation

« La seule instruction que la société doit avec la plus entière gratuité est celle qui est commune à tous, parce qu'elle est nécessaire à tous. »
Tayllerand

« L'éducation gratuite est payée par tout le monde, ses fruits ne sont recueillis immédiatement que par un petit nombre d'individus, elle sorte presque toujours beaucoup d'hommes de leur place naturelle, elle favorise la paresse des instituteurs, elle diminue le prix de l'instruction aux yeux des disciples, elle retarde le progrès des sciences. »
Mirabeau

En 1789 la France change non seulement de système politique, mais elle change aussi d’idéal de société : plus d’ordres, plus de privilèges acquis dès la naissance, et la société est théoriquement égalitaire et démocratique. C’est donc un moment de débats intenses sur la manière dont l’école doit être rénovée, l’école doit-elle être gratuite? Et si oui jusqu’à quel niveau ? Condorcet par exemple pense que l’éducation doit être gratuite à tous les niveaux et pour tous. Mirabeau lui pense que si l’école est gratuite, les élèves ne seront pas concentrés ni attentifs en cours, et qu’une école payante c’est la garantie de cours de qualité. Un autre débat se pose sur l’obligation scolaire, là encore certains pensent que l’école doit être obligatoire pour tous, et pour d’autres le père de famille, doit pouvoir décider si ses enfants iront à l’école ou pas. Bon un sujet qui met tout le monde d’accord c’est la place de la religion, elle est complètement balayée.

Et parmi tous les projets scolaires qui naissent à l’époque, il y en a un proposé par Lepeletier de Saint Fargeau pour réduire les inégalités venant des familles. il imagine une sorte de pensionnat où tous les enfants seraient nourris et éduqués en commun de leur 5 à leur 12 ans. Bon le projet a pas été retenu, sûrement un peu trop radical. Et voila comment, à la Révolution, les bases de l’instruction laïque, publique, gratuite pour tous se mettent en place. Enfin, pour tous surtout pour les garçons, l’éducation des filles ça n’a jamais été une priorité, mais ça je vous en parle dans la prochaine fois. 

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Émission préparée par ...

  • Production - Rédaction : Diane Béduchaud
  • Réalisation technique : Sébastien Boudin
  • Habillage sonore : Diane Béduchaud, Sébastien Boudin
  • Musique : Joakim Karuk, Love mode
  • Remerciements : Michele Ancona, Daniel Frandji

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