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EN QUÊTE D'ÉCOLE : épisode 42 (23/09/2025)

La motivation des élèves : une histoire de carotte ?

En ce mois de rentrée scolaire, il est bon de se demander, qu’est-ce qui nous motive ? Et si nous, professeur·es, nous trouvons des réponses qui nous appartiennent, comment transmettre cette motivation aux élèves ? Et d’ailleurs la motivation elle t-elle quelque chose qui se transmet, qui est impulsée par un agent extérieur ? S’agit-il de motiver les élèves ou de les amener à se motiver eux-mêmes en fonction de leurs désirs personnels ? Et dans ce cas, comment les accompagner dans cet élan et cette dynamique tout en respectant les programmes et les attentes institutionnelles ? 

Pour le savoir, nous avons mené l’enquête

La motivation, c’est quoi en fait ?

 

La motivation est un concept construit afin de tenter de décrire ce qui déclenche, guide et fait persister une action humaine. Si les chercheur·euse se mettent d’accord sur l’idée de dynamique et de force, les débats portent en revanche sur l’origine de cette force : vient-elle de l’extérieur, de facteurs étrangers qui nous motivent, au risque de laisser trop peu de place au libre-arbitre ? ou est-ce une force qui ne peut venir que de soi. 

En effet, les écoles humanistes ou cognitivistes privilégient l’idée d’un engagement personnel du sujet dans la motivation.  Antoine de la Garanderie, philosophe et pédagogue,  écrit dans La motivation, que cette dernière est une raison de choisir dans laquelle la conscience se reconnaît”,il ajoute qu’une personne est motivée “ quand elle a conscience des motifs et que ces motifs sont l’objet de ses choix”. 

L’enjeu est alors de taille pour les professeur·es : comment amener chaque élève à considérer que les tâches et apprentissages proposés sont des choix et non des contraintes.  Cela semble être un vœu pieux. 

Cependant cette définition permet de mieux comprendre les composantes et les sources de la motivation dans le cadre de la classe et ses activités.

Composantes et sources de la motivation. 

 

Premièrement cela permet de rappeler que la motivation repose sur des perceptions et des évaluations subjectives : la source de la dynamique et l’explication de ses variations reposent sur  des représentations. 

Dire que la motivation scolaire repose sur des perceptions de l’élève, c’est affirmer que cette motivation n’est pas immuable, les élèves peuvent changer de perception et ainsi cheminer vers une motivation plus grande malgré leurs déclarations péremptoires sur une discipline ou sur l’école en général : 

Extrait du film Le maître d’école de C.Berri, 1981

Rolland Viau, chercheur en sciences de l’éducation, décline ces sources subjectives de la motivation en 3 perceptions  : celle  de la valeur d’une activité, de  sa compétence à l’accomplir et de sa contrôlabilité. 

Écoutons le : 

Extrait d’une conférence “La motivation à apprendre des étudiants mieux comprendre pour mieux agir” sur la chaine de Christophe Batier : https://youtu.be/30h3q-jai9I?si=qoJJFu7j6qpMyXWs

La valeur de l'activité.  

 

La valeur que l’on donne à une activité dépend donc soit de l'intérêt qu’on y trouve soit de son utilité.

L'intérêt est le plaisir pris à la tâche elle-même, indépendamment de toute récompense extérieure. C’est alors une source intrinsèque de motivation. 

Par ailleurs, l’utilité est l’avantage qu’on pense retirer de l’activité, ou l'inconvénient qu’on évite, c’est une source extrinsèque. 

En classe, l'élève peut trouver de la valeur à un cours parce qu’il aime apprendre de nouvelles choses, il prend plaisir à l’activité en elle-même qui devient la finalité de son action. 

À l'inverse, il peut concevoir que faire cette activité lui apportera une note nécessaire à son dossier ou une compétence utile à son futur métier. Dans ce cas,  il lui accorde le statut de moyen et lui donne une valeur extrinsèque. Il en est de même s’il apprend par crainte des sanctions.

Extrait du film Les Sous-doués de Claude Zidi (1980) 

Pour compléter ce premier point, Robert Vallerand et Edgar Thill relèvent que les élèves obtiennent de meilleurs résultats lorsqu’ils agissent selon des motivations intrinsèques. 

Ainsi l’apprentissage n’est pas seulement le résultat de la motivation mais il en est aussi une source, une impulsion. L’apprentissage en lui-même est un but qui motive davantage que la note ou le diplôme. 

La perception de sa compétence

 

La seconde source subjective de la motivation est la perception de sa compétence à réussir l’activité proposée. 

Aucun élève n’est volontaire à accomplir une tâche qu’il pense rater. Le problème vient alors de leur perception plus ou moins réaliste de leurs capacités. 

Cependant, leurs jugements sur leurs capacités ne sont pas irrationnels. Ils sont fondés sur leurs performances antérieures, l’observation des autres, les remarques des parents ou des professeurs mais aussi de l’observation de leur propension au stress. 

Cette perception peut néanmoins être illusoire car certains facteurs sont plus déterminants que d’autres, le jugement des parents et son interprétation par l’enfant sont, par exemple, au cœur de la perception de sa compétence, bien devant ses performances.

Extrait du film L'élève Ducobu de C. de Chauveron (2011)

La perception de la contrôlabilité 

 

La 3ème source de motivation face à l'activité pédagogique est la perception de la contrôlabilité. Cette perception naît du besoin d’autonomie, du désir de se sentir libres de ses choix même au sein de la classe. 

Les élèves sont d’autant plus volontaires à s’engager dans une activité s’ils ont l’impression qu’ils sont maîtres de quelque chose tout en étant face à une difficulté. Le succès des jeux vidéos est en partie dû aux tâches proposées : des situations complexes mais qu’ils et elles sont convaincus de pouvoir surmonter à force de persévérance et grâce à leurs décisions : il sont littéralement aux manettes

Pierre Vianin, enseignant spécialisé et professeur à la Haute École Pédagogique du Valais, insiste sur le sens que donne l’élève à chaque activité et il remarque que les activités très motivantes sont celles qui ont des buts difficiles mais accessibles et dans un délai assez court. C’est ainsi que les élèves y perçoivent une manière de s’accomplir personnellement. 

C’est alors une réelle réflexion pour les professeur·es de concevoir une activité qui propose du défi, mais soit adaptée au niveau des élèves et qui délègue une partie des choix et des responsabilités, tout en les guidant et les accompagnant de consignes très claires et de repères.

Être en contrôle, ce n’est pas seulement se sentir compétent et libre, c’est aussi et surtout comprendre et expliquer nos succès et nos échecs. 

Si un élève attribue ses échecs à la malchance sur laquelle il n’a aucune maîtrise, ou sur une tare innée qu’il voit comme un destin, alors il est peu probable qu’il soit motivé à fournir le moindre effort. 

C’est ce que Pierre Vianin nomme l’attribution causale.  Quelles causes l’élève identifie-t-il pour expliquer ses erreurs ? 

Pour que l’élève soit motivé il faut qu’il explique ses échecs par des  causes à la fois,  internes, transitoires et contrôlables. 

  • une cause interne, c’est une cause qui dépend de lui, de ses efforts, de son travail, de la forme de son raisonnement. Parler de la difficulté de l’épreuve, de la chance ou de la qualité de l’enseignant c’est parler de causes externes. 

  • une cause transitoire, c’est une cause qui est passagère, qui n’est pas permanente. Par exemple, si l’élève pense que l’intelligence est innée et fixe, plutôt qu’évolutive et plastique, il dira  “je ne suis pas fait pour ça”. 

  • une cause contrôlable est une cause sur laquelle on a un pouvoir, qui peut changer suite à nos décisions et nos choix. 

Rien ne motive davantage que le sentiment d’efficacité personnelle, or de nombreux élèves démotivés subissent une “résignation apprise ou impuissance acquise” qui est le fruit d’une construction : c’est le résultat de l’apprentissage que leurs efforts sont inutiles.

 Quels leviers pour les professeur·es ? 

Face à ces constats, quels leviers pouvons nous utiliser  pour changer les perceptions des élèves ? 

  • Tout d’abord le langage est très important, si l’élève use de formules qui l’enferment dans un destin de nullité, les professeur·es au contraire pourront veiller à toujours séparer l’élève de ses résultats et lui “apprendre à distinguer ce qu’il est, de ce qu’il produit” selon une  formule de Daniel Favre, professeur en Sciences de l’éducation. 

Écoutons le : 

Extrait d’une interview sur la chaîne 7 jours de TV5 Monde: https://youtu.be/j8ogXofnmXI?si=ihDyYwoT181h4FYY 

  • Lors des évaluations, on peut faire attention à sa dimension formative, que les progrès soient remarqués, que les acquis prennent autant de place que les manques. Les recherches insistent beaucoup sur l’apprentissage de l’auto-évaluation et de l’anticipation des attentes qui permet de renforcer le sentiment de contrôle.

  • Mais surtout pour changer leurs perceptions, il faudrait les accompagner dans leurs méthodes de travail, leur apprendre à apprendre et ne jamais considérer que c’était le travail des classes antérieures. Ainsi questionner les élèves sur leurs stratégies d’apprentissage et les amener évaluer l’efficacité de ses stratégies, c’est leur donner l’occasion de reprendre le pouvoir sur leur scolarité.

José-Luis Wolfs, professeur en Sciences de l’éducation, propose un questionnaire entier qui demande aux élèves d’identifier leurs méthodes de travail et qui, par la même, les renseigne sur un grand nombre d’autres méthodes. 

Par exemple, lorsqu’il demande aux élèves ce qu’ils font quand ils doivent mémoriser une matière, ils peuvent dire qu’ils essaient 1° de mémoriser tout le cours , 2° de retenir ce qui paraît le plus important, 3° d’apprendre un plan ou un résumé du cours. Cela nous amène nécessairement à poser la question de comment on identifie ce qui est important ou comment on résume un cours, ce qui revient à les guider dans leur travail de révision. 

En dernier point, Rolland Viau insiste sur l’opportunité qu’ont les professeurs d’être des modèles d’apprenants devant les élèves. Trop peu de fois, nous montrons comment nous mêmes nous apprenons ou raisonnons. Les élèves ont besoin de modèles d’apprenants ( a contrario du modèle du  sachant ) qui prennent plaisir à apprendre et à se confronter à la difficulté ou à la nouveauté. 

Cette nouveauté peut être aussi celle de s’intéresser à ce qui anime les élèves, à leurs centres d’intérêts, non par démagogie, mais pour éveiller leurs curiosités et surtout être capables d’établir des analogies entre ce qu’ils connaissent, comprennent,  et les contenus de cours. 

Conclusion 

 

Pour conclure, nous voyons nous-mêmes notre motivation entravée par notre impuissance et nos échecs face à l’absence de motivation des élèves. Or en comprenant ce qu’elle est, d’où elle vient et en élaborant des méthodes d’action pour la transformer, nous pouvons être plus motivés nous-mêmes à retourner en classe, ce qui peut être contagieux ! 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Et pour aller plus loin ...

Émission préparée par ...

  • Production : Adeline Houncheringer
  • Réalisation technique : Sébastien Boudin
  • Photo de :  Photo de Oscar Avila sur Unsplash
  • Habillage sonore : Adeline Houncheringer, Sébastien Boudin
  • Musique : 
    • Ashford, N., & Simpson, V. (1967). Ain’t no mountain high enough: Vol. United [Interprété par M. Gaye & T. Terrel]. Tamla.
    • Beyoncé, Nija, Busiswa, Alade, Y., Whack, T., Moonchild Sanelly, & DJ Lag. (2019). My power: Vol. The Lion King: The Gift. NRG Recording.
    • Boynton, E., & Hamilton, A. (2012). Freedom: Vol. Django Unchained Soundtrack [Interprété par A. Hamilton & E. Boynton]. Loma Vista, Republic.
    • Collectif Motivé! (1997). Motivés, Le Chant Des Partisans.: Vol. Motivés, Chants de lutte. TactiKollectif, LCR, Esan Ozenki records.
    • Humenry, J., & Debruynne, J. (1998). Moi, je suis nul: Vol. Chercheurs de dieu [Interprété par S. Gernez]. Ateliers du Fresne.
  • Remerciements : Merci à Sébastien Boudin pour sa relecture et ses propositions sonores. 

 

 

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