Aller au contenu. | Aller à la navigation

Outils personnels

Kadékol

Navigation

L'éducation a sa webradio

ENS Lyon - cobranded.svg

 

Retrouvez les relais de Kadékol

Vous êtes ici : Accueil / EN QUÊTE D'ÉCOLE / #39 L'EPS, c'est du sport ?

EN QUÊTE D'ÉCOLE : épisode 39 (31/03/2025)

L'EPS, c'est du sport ?

Introduction 

 

Depuis 2020 et la sortie du confinement, le discours politique tend à valoriser le sport comme porteur en soi de valeurs éducatives, il suffirait de “bouger plus pour mieux apprendre”.  

Les jeux Olympiques de 2024 ont alors été l’occasion d’une campagne d’incitation à la pratique sportive. 

Campagne qui oublie d’associer étroitement les professeurs d’EPS, comme si le sport, ce  n'était pas tout à fait le domaine de l'éducation physique et sportive. 

Ce constat s’inscrit dans une longue histoire de relations complexes entre le sport et la discipline scolaire. Dans d’autres pays francophones, la référence au sport est évacuée :  on dit Éducation physique et à la santé en Belgique et au Québec par exemple. 

Pourquoi est-ce que l’EPS, ce n’est pas du sport ? Quels sont les enjeux de ce double mouvement d’assimilation et de différenciation entre une discipline d’enseignement et une activité extra-scolaire ? L’EPS est peut-être la seule discipline à subir à la fois la comparaison et la concurrence avec  des associations extérieures à l’école, au sport fédéral et de compétition. 

Quelle est l’histoire de cette relation entre sport et EPS? Comment la vision politique du sport, de ses vertus et finalités a déterminé le rôle et la place de l’éducation physique à l’école ? 

Pour le savoir nous avons mené l’enquête. 

Histoire de la discipline 

 

En 2022 est sorti L'histoire politique de l’EPS de Serge Durali et Guillaume Diestch qui retrace les origines de cette discipline scolaire et qui nous permet d’en faire une rapide synthèse : 

Aux débuts  de l’école républicaine, le sport est absent des programmes. Ce dernier est alors une activité de loisir, du temps libre, un luxe principalement réservé à l’aristocratie. 

Qu’il soit compris comme une activité hédoniste, centrée sur le plaisir, ou comme un lieu de compétition où seule la victoire compte, le sport est perçu comme incompatible avec les valeurs de l’école. 

L’activité physique est perçue non comme une fin en soi, mais comme un moyen d’être en bonne santé et de se préparer à la guerre. 

En effet, jusqu'au milieu des années 20, les seules personnes qui reçoivent un enseignement physique sont les militaires et ce sont eux que l’on retrouve dans les écoles, avec sous le bras “ le manuel de gymnastique et des exercices militaires” sous la double tutelle du ministère de la Guerre et de l’instruction publique. 

C’est le Front populaire qui va démocratiser le sport, comme une culture pr le peuple qui a enfin accès aux loisirs grâce aux congés payés et à la réduction du temps de travail. 

Cela reste cependant, pour la population, un divertissement, un échappatoire et non une discipline digne d’entrer pleinement sur les bancs de l’école. 

C’est seulement en 1958 qu’une épreuve sportive devient obligatoire au baccalauréat, soutenant l’idéal gaulliste d’une nation compétitive et performante. Est alors valorisée la performance sportive avec pour référence le sport de haut niveau. 

Extrait de “Tout savoir sur les médailles françaises aux Jeux Olympiques” sur la chaine France 24 :https://www.youtube.com/watch?v=jN6KhJou2Ms 

 

La discipline scolaire peine à trouver sa légitimité propre : ce sont les différentes finalités politiques qui instrumentalisent le sport à l’école. En face, l’école rechigne à considérer l’activité physique comme un enseignement intellectuel et formateur. 

Au lendemain de mai 68 l’éducation physique entre à l’Université. Il s’agit à la fois d’établir une vraie réflexion sur la mise en jeu du corps, de sa libération et non plus de son contrôle et de concevoir une science de l’action et du mouvement. 

Ecoutons Pierre Parlebas, un des premiers chercheurs en sciences et techniques des activités physiques et sportives ( STAPS) à ce propos: 

Extrait d’une interview de Pierre Parlebas sur la chaine de l’UFOLEP NATIONALE: https://youtu.be/eF1hq0opKmc?si=I0L5P2-SV7mQmYYC

Devenue une science, l'activité physique peut être enseignée, étudiée et est  l’objet d’une transmission de savoirs autres que les seules techniques des sports eux-mêmes. 

Néanmoins, les professeurs d’EPS continuent d’avoir un statut particulier et ils ne sont rattachés à l’Education nationale qu’en 1981 et l’agrégation n’est ouverte qu’en 1983, après l’ouverture d’une maîtrise en STAPS. 

Si l’EPS doit en partie sa légitimité de sa différenciation avec le sport fédéral et de compétition, qu’apprend-on dans les cours ?

 

L'EPS : quels enseignements ?  

 

Faire de l’EPS une discipline scolaire à part entière, c’est alors penser l’activité contre l’idée de compétence innée et de performance physique. 

Tant que le sport de haut niveau reste la référence du cours d’EPS, ce dernier est élitiste, peu inclusif et amène peu d’élèves à la réussite. 

Par exemple, la table de cotation des performances physiques de Letessier, a permis au début des années 60 de rationaliser l’évaluation. 

Extrait d’une vidéo “La table de cotation Letessier était-elle vraiment un outil évaluatif égalitaire ?” sur la chaine Concours EPS : https://youtu.be/SLSpsPjgGhM?si=apeEzS8fmlSKcvJt 

L'activité physique devenait évaluable mais son application a eu pour conséquences la désertion des filles du cours d’EPS et même du baccalauréat. Une fille sur 4 ne se présente pas à l’épreuve obligatoire en 1966 et les dispenses augmentent de 50% chez les fille dans cette même période  comme nous le rappelle les historiens  Jean Saint-Martin et Michaël Attali. 

En effet, le problème de la différence sexuée est l’héritage des valeurs du sport, monde dominé par le masculin neutre, où les garçons socialisés très tôt à la performance, l’effort physique et l’occupation de l’espace sont les grands gagnants. 

C’est après 1981, dans le cadre des nouvelles missions de l’école, lutter contre l’échec scolaire et les inégalités sociales, que l’EPS abandonne l’évaluation quantitative pour une évaluation plus qualitative, où on prend en compte les progrès, les connaissances acquises, la réflexion sur la pratique mais aussi l’expression corporelle et la créativité suite à l’ajout des activités artistiques dans les programmes. 

L’EPS repose alors sur de nombreux APSA autrement des activités physiques, sportives et artistiques comme le cirque ou la danse. 

 La performance ne représente plus qu’une partie de la note, dans chaque champ d’apprentissage est aussi évaluée la capacité à s'entraîner et à exercer un regard critique sur ses capacités de progrès. Sont aussi notées les compétences sociales grâce aux différents rôles que les élèves peuvent adopter au sein des APSA. 

Cette diversité des compétences évaluées transforme l’EPS qui devient pour le conseil national des programmes en 2002 une discipline transversale au même titre que l’éducation morale et civique.

Une discipline transversale qui aurait toutes les vertus éducatives ?

C’est un renversement paradoxal : le sport n’entrait pas à l’école car il était considéré comme incapable d’éduquer, alors qu’aujourd’hui les bulletins officiels prètent à l’EPS  toutes les vertus pédagogiques nécessaires à la formation d’un ( je cite) “citoyen cultivé, lucide et autonome”. 




En parallèle le sport est vanté dans le discours médiatique et politique, la cour des comptes dans son rapport de 2019 synthétise tous les “bienfaits du sport” qui :

 

On observe que l’activité physique est, non seulement le support d’une éducation à la citoyenneté mais aussi et surtout à la santé, retrouvant ainsi ses origines médicales et  hygiénistes datant de la fin du XIXème siècle. 

La cours des comptes en profite pour regretter que l’EPS soit si éloignée des exigences de la performance sportive et critique la multiplicité des disciplines enseignées qui ne permettent pas   aux élèves ni d’avoir un niveau autre que débutant dans chaque APSA ni de progresser réellement.

Sa conclusion est dure et polémique : “la conception et l’organisation de l’enseignement de l’EPS rendent très difficiles une appréciation de son efficacité en tant que discipline”. 

L’EPS se trouve à nouveau pris dans des débats politiques sur la place du sport dans la société et à l’école. Comme dans les années 70 où le ministère voulait déléguer certaines heures d’EPS à des animateurs sportifs, les années 2020 sont marquées par un retour du sport extra-scolaire en concurrence de l’EPS. 

C’était le sens du programme 2S2C “sport, santé, culture, civisme”  lancé à la sortie du confinement : il s’agissait faire intervenir des animateurs sportifs du secteur privé pour “faire bouger” les élèves. 

Extrait d’une interview de Michaël Attali Vous informer sur le "2S2C" sur la chaine de l’AEEPS: https://youtu.be/6SearMzsZJQ?si=S5rgFD5YcuLU282D

C’est aussi ainsi qu’a pu être interprétée la nomination en 2021 d’Olivier Girault, licencié depuis le 13 mars dernier,  champion de handball à la tête de l’UNSS, l’association sportive de l’éducation nationale. Jusque là tous les présidentes et présidents étaient issus de l’éducation nationale et étaient formé·es à ses valeurs et missions.

Conclusion 

 

Ainsi l’EPS est une discipline qui doit systématiquement prouver sa légitimité au sein du système scolaire, parce qu’elle est trop confondue avec le sport , et qui, à l’opposé doit affirmer sa valeur sportive et son utilité éducative, lorsqu’elle est mise en concurrence avec le monde associatif et fédéral. 

Un enjeu actuel, de taille, serait d’accompagner les élèves dans une pratique libre d’entretien du corps en s’opposant au discours marchand et narcissique des salles de sport. 

Il est bon alors de se rappeler que l’école ne peut pas tout, que l’EPS souffre du nombre de ses missions et de leurs ambitions, qui participent à l’absence de clarté de la discipline pour les élèves et les familles.

 

 

 

 

 

 

 

 

Et pour aller plus loin ...

Émission préparée par ...

  • Production : Adeline Houncheringer
  • Réalisation technique : Sébastien Boudin
  • Habillage sonore : Adeline Houncheringer, Sébastien Boudin
  • Vignette : Photo de Kolleen Gladden sur Unsplash
  • Musique : 
  • Beyoncé, Swizz, B., & Garett, S. (2011, avril). Move your body [Interprété par Beyoncé]. Parkwood, Columbia Records.
  • Goraguer, A. ( 1982) Générique de l'émission GymTonic. 
  • Jackson, M. (1982). Muscles: Vol. Silk Electric [Interprété par D. Ross]. RCA.
  • Le Masne, V. (2024) Parades. 
  • Ouvrard, G. (1969). Le soldat sportif.
  • Peterik, J., & Sullivan, F. (1982). Eye of the Tiger: Vol. Eye of the Tiger [Interprété par Survivor]. EMI Group.
  • Tchaicovski, P. I. (2018). Le lac de cygnes [Interprété par R. Nureyev].
  • Remerciements : Merci à Sébastien Boudin, Régis Guyon et Florence Sauvebois pour leur relectures et à Claire Ravez pour sa disponibilité et son aide. 

Fermer