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EN QUÊTE D'ÉCOLE : épisode 35 (26/09/2024)

L'autorité : don personnel ou compétence éducative ?

Introduction

 

L’autorité des professeur·es dans leurs classes est comme entourée de mystères et d’énigmes, des professeur·es en auraient naturellement, d’autres en manqueraient cruellement. Cependant si on estime qu’il s’agit seulement d’une qualité personnelle, on exclut l’autorité des savoirs-faire et des compétences des professeur·es dans leur métier. 

Si l’autorité est une compétence d’un métier qui s’apprend et auquel on peut être formé, alors on considère que la gestion d’une classe est bien l’affaire des professeur·es, et qu’elle n’advient pas  par défaut parce qu’il faut faire face aux débordements et refus d’élèves récalcitrants. 

Souvent est invoquée la « crise de l’autorité » et le nécessaire retour à une autorité qui se fait respecter.

Extrait du discours de Gabriel Attal devant l'Assemblée nationale, 30 janvier 2024: https://www.youtube.com/clip/UgkxZqF90jEYqk4ssmuyqzXrIFcyooArh045

De quelle autorité a besoin la relation pédagogique ? N’est-elle pas l’objet de nombreuses confusions et fantasmes? Quels sont les obstacles à la construction d’une véritable relation d’autorité entre les élèves et leurs professeur·es ? 

Pour le savoir nous avons mené l’enquête. 

La remise en cause de l'autorité traditionNelle. 

 

L’idée d’une « crise de l’autorité » dans l’éducation remonte au moins à la fin des années 60. C’est l’autorité traditionnelle qui est remise en cause car elle est associée à pouvoir autoritariste,  patriarcal et colonial où il s’agit davantage de dominer que d’émanciper par l’éducation. 

Dans l’histoire de l’éducation, l’enfant a été longtemps perçu comme un être à redresser, à corriger, pour son salut certes, mais au moyen d’un violence rationalisée. Il fallait apprendre à l’enfant, par la contrainte, à se civiliser, à s’éloigner de sa nature considérée comme sauvage et pécheresse. 

Dès le XVIII ème siècle naît l’idée que l’enfant est un sujet à qui on doit apprendre l’autonomie, l’exercice de la raison et qu’il faut donc s’inquiéter du consentement dans l’obéissance. Si l’enfant est seulement contraint à l’obéissance, il n’apprend pas à devenir un citoyen capable de faire ses propres choix de manière éclairée. L’éducation doit donc apprendre l’autonomie, autrement dit la capacité à se donner à soi-même ses propres lois, à obéir parce qu’il en reconnaît l'intérêt pour soi et pour le collectif dont il fait partie. « La crise de l’autorité » est alors aussi celle de la crise de la légitimité d’un ordre social très hiérarchisé qui laisse peu de place aux libertés individuelles  :

Extrait d'une interview de Christine Fauré sur mai 68 : https://www.youtube.com/clip/Ugkxd3dO0gcQvLAqY1TZZHxeR9JgGSz6QrhE 

La confusion entre autorité, autoritarisme et autorité « évacuée ».

 

La convention des droits des enfants de 1989 dicte qu’il faut « veiller à ce que la discipline scolaire soit appliquée d'une manière compatible avec la dignité de l'enfant en tant qu'être humain ». Donc l’enfant est  considéré comme un égal en humanité, l’autorité ne peut donc se donner les moyens de la violence physique, psychologique ou morale pour être respectée. 

Cette crise est alors l’occasion de révéler combien est confuse l’idée d’autorité lorsqu’elle est mêlée de contrainte et de violence. 

En opposition à l’autoritarisme, des courants pédagogiques tendent à rejeter toute forme d’autorité, y voyant toujours le risque de la dérive autoritaire. 

Bruno Robbes, professeur de sciences de l’éducation, montre qu’il s’agit de deux positions qui contournent le problème de l’autorité 

Il identifie d’un côté l’autorité autoritaire qui exerce une domination afin d’obtenir une obéissance inconditionnelle par la soumission. Cette soumission est alors un rapport de force et n’est pas de l’autorité. 

De l’autre il parle d’une autorité « évacuée » qui se traduit  chez les professeur·es soit par la difficulté à  poser des limites et repères et par le refus du conflit,  soit par l’idée que l’autorité ne relève pas de sa mission. 

Ainsi pour Robbes, considérer que la mission des professeur·es n’est que de transmettre des savoirs est tout autant une confusion sur ce qu’est l’autorité.

Définition de l'autorité. 

 

L’autorité n’est pas le contraire de la liberté et de l’autonomie, elle en la condition. 

Extrait d'une intervention de Bruno Robbes : https://youtube.com/clip/UgkxOlg4RyEksajgbGqLnZaLnjJSkqJyk-Fi?si=YUClEvj_CbePsXlh

Ainsi toutes les formes de pressions psychologiques, emprises, manipulations mais aussi l’humiliation et la culpabilisation ne relèvent pas de l’autorité. L’autorité charismatique n’est pas non plus souhaitable car elle est liée à la personne et laisse ainsi ceux qui y sont soumis en état de dépendance.

L’autorité c’est alors avoir de l’influence sur les autres, au point que les conseils et même directives données soient suivies et respectées. L’autorité est alors une condition du bien-être et du soin aux enfants puisqu’il s'agit de leur indiquer les limites et repères du monde dans lequel ils arrivent. Mais l’autorité a d’autant plus de chance de se faire obéir qu’elle est consentie, qu’elle est librement reconnue. 

L’autorité met donc en tension obéissance et liberté, comment se faire obéir sans entraver la liberté des élèves? 

Au cœur de la tension se joue le problème de la légitimité qui est à construire devant les élèves pour continuer à être, avoir et faire autorité.

Mais concrètement comment peut-on construire une relation d’autorité, comment peut-on s’y former et mettre fin à l’idée qu’elle serait un don inné et personnel ? 

Les fondements de la construction d'une relation d’autorité. 

 

Les résultats de l’enquête de Marie Beretti, enseignante-chercheuse en sciences de l’éducation, révèlent un lien étroit entre autorité et confiance. Elle résume : « Les élèves réfractaires à l’autorité sont bien souvent les élèves en déficit de confiance ». Ainsi l’autorité trouverait son fondement dans la capacité à instaurer une relation de confiance. Les élèves ne prennent pas le risque d’obéir s’ils ne sont pas convaincus que l’injonction à laquelle ils obéissent est juste et respectueuse de leur dignité.

Tout l’enjeu de la construction de l’autorité est alors de construire un cadre sécurisant : il s’agit d’inspirer une confiance élémentaire par l’attention et le respect, une confiance juridique par un cadre juste et équitable et une confiance éducative par une pédagogie qui permet de « grandir et d’évoluer » dans et pas les savoirs. 

La confiance juridique, par exemple, demande à ce que les règles qui protègent le collectif soient fermes mais que leur sens soient explicités et discutés.

Une expérience intéressante est alors celle de conseils de classe coopératifs qui impliquent les élèves dans l’élaboration des règles reconnaissant ainsi leur capacité à comprendre et juger ce qui est souhaitable pour soi et le groupe. 

Extrait d'un documentaire "Vivement l'école" d'Isabelle Cadière (2017). Classe de CM1-CM2 - École Hélène Boucher de Mons en Baroeul. https://www.youtube.com/clip/UgkxAsNBhHKXb1veAEGGS-4ZbJIhZVmR3Ywp

Marie Beretti synthétise la position d’autorité en 3 compétences : être stables, fiables et transparents. 

Être stable relève  à la fois de la gestion des émotions mais aussi de la constance, faire ce qu’on a dit, rappeler le cadre et sanctionner s’il a été transgressé, même si cela prend du temps et de l’énergie. 

La fiabilité ajoute à la constance l’idée que les professeur·es sont des personnes ressources en cas de conflit par exemple : ils écoutent toutes les parties, prennent au sérieux les inquiétudes et arbitrent pour “rendre justice”.  

Cela permet notamment de prendre en compte le groupe, d’en comprendre les normes : 

Extrait d'une interview de Vanessa Joinel Alvarez, formatrice pour HEP Vaud : https://youtube.com/clip/Ugkxis1MLKBIebRpbDZmSS04H_TzVHwz-5MW?si=mjFlKL4U30ShH_tg

La fiabilité c’est aussi la capacité à expliciter son barème ou sa notation et à s’y tenir. Ce qui mène à l’idée de transparence et d’explicitation. Le flou et le mystère entretiennent à la fois la méfiance et la dépendance. 

Le micro est dans la classe était allé à la rencontre de conseils de classe coopératifs, écoutons un extrait qui illustre une volonté d’explicitation des attentes, de transparence: https://ife.ens-lyon.fr/kadekol/lmdlc/46-les-conseils-de-classe-participatifs

L'autorité, une éthique de la relation pédagogique. 

 

Camille Roelens dans son Manuel de l’autorité insiste également sur l’idée que l’autorité est une éthique de la relation aux personnes dont on a la charge et la responsabilité.

En plus d’être explicite, l’autorité doit reposer sur la reconnaissance réciproque. Le fait d’être méprisé·e, considéré·e comme quantité négligeable fait obstacle à l’obéissance. Ainsi il s’agit aussi d’être formé à comment on s’adresse aux élèves, à ce que Eirick Prairat nomme le tact : au sens de l’adresse et de l’a-propos, à ne jamais bousculer et faire violence aux élèves parce qu’on dit et la manière dont on le dit. 

Extrait d'un entretien avec Eirik Prairat : https://youtu.be/AnSvjXN0bSE?si=O-C0JF7HGyiIIDHk

Conclusion. 

 

On se rend  compte que la question de l’autorité relève moins de questionnements autour de la sanction et l’affirmation de sa supériorité statutaire que d’une nécessaire réflexion sur l’éthique relationnelle. Il est anachronique d’invoquer un retour du pouvoir de contrainte, en revanche la voie de la déontologie enseignante a encore peu été explorée comme pilier et fondement de la relation d’autorité avec les élèves. 

En outre, penser que l’autorité relève de l’éthique la démystifie, avoir de l’autorité se pense et relève de compétences relationnelles et éducatives  auxquelles nous pouvons être formé·es. 

 

 

 

 

 

Et pour aller plus loin ...

Émission préparée par ...

  • Production : Adeline Houncheringer
  • Réalisation technique : Sébastien Boudin
  • Habillage sonore : Adeline Houncheringer, Sébastien Boudin
  • Musique et extraits sonores
  • AURORA. (2016). Trough the eyes of a child: Vol. All my demons greeting me as a friend. DECCA.
  • Fugain, M. (1975). Dis oui au maître: Vol. Michel Fugain et le Big Bazar n°3 [Interprété par M. Fugain & Le Big Bazar]. CBS, BBZ Productions.
  • Lillienfeld, J.-P. (2008). La journée de la jupe. Rezo Films.
  • Redding, O. (1967). Respect: Vol. I never loved a man the way I love you [Interprété par A. Franklin]. Atlantic.
  • Truffaut, F. (1970). L’enfant sauvage. Les Artistes Associés.
  • Waters, R. (1979). Another brick in the wall: Vol. The Wall [Interprété par The Pink Floyd]. Harves
  • Remerciements : Merci à Florence Sauvebois pour sa relecture attentive et ses conseils inspirants et à merci à Fanny Premaillon pour le prêt de sa voix et Adrien Reynaud pour ses conseils techniques. 

 

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