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EN QUÊTE D'ÉCOLE : épisode 34 (28/06/2024)

La laïcité scolaire : liberté ou interdiction ?

INTRODUCTION 

 

Cette année scolaire deux actualités ont alimenté le débat qui lie école et laïcité. Les révélations sur le lycée Stanislas de Paris et l’interdiction du port de l'abaya à la rentrée de septembre. 

Les deux faits font échos à des débats qui divisent encore aujourd’hui, d’un côté celui sur l'enseignement privé confessionnel financé par l’Etat et de  l’autre concernant le port de signes religieux à l’école. 

Ces événements manifestent aussi paradoxalement les arrangements de l’Etat avec la séparation stricte d’avec  l’ordre religieux. 

Dans le premier cas, il finance un établissement qui dispense un enseignement religieux et dans le second, le gouvernement a statué sur la valeur religieuse d’un vêtement. 

Ces faits témoignent alors de l’évolution du sens et des pratiques liées à la laïcité. 

Comment cette évolution peut-elle se comprendre à l’aune de l’histoire politique de la France ? Quel rôle particulier y joue l’école ? Comment comprendre la laïcité scolaire dans la confusion des polémiques ? 

Pour le savoir nous avons mené l’enquête

L’école : première institution laïque ? 

 

La laïcité de l’école précède la séparation du religieux et du politique actée par la loi de 1905,  et elle fait suite à un long processus de sécularisation : la science et la justice se détachent du pouvoir religieux depuis la Renaissance et plusieurs lois participent à la fin de la tutelle religieuse comme celle sur l’interdiction des carrés confessionnels dans les cimetières en 1881. 

En 1882, les évêques font encore partie des conseils académiques, les chefs religieux sont fonctionnaires de l’Etat depuis le Concordat signé par Napoléon.

La loi du 28 mars marque la fin des contenus religieux dans les programmes et le remplacement des religieux par des enseignants laïcs. 

Il faudra pas moins de 16 lois à la III ème République pour laïciser les programmes et plusieurs années pour exclure tous les congréganistes de l’enseignement public.

La laïcité scolaire n’est alors pas une invention française, Jules Ferry demande une enquête sur les pratiques étrangères avant rédaction de la loi : au Canada, aux Etats-Unis ou en Belgique où l’école est laïque depuis 1879. 

L'extrême droite et les catholiques vont d’ailleurs accuser le projet de céder à l’influence étrangère et notamment aux pensées protestantes et allemandes s’inspirant du philosophe Kant. 

Charles Maurras, fondateur de l’Action française, dénonce une perversion de la jeunesse par les écoles primaires et les universités et il parle ( déjà) d’un “esprit protestant étranger à notre race”

En 1886  tous les congréganistes sont exclus des écoles, ils partent alors, pour certains,  à l’étranger soutenir le projet colonial où ils sont encore vus comme un bras utile de l’Etat.

La laïcité : un cas d’école ? 

 

La loi de 1905 garantit la liberté de conscience et de culte par deux moyens dévolus à cette fin : l'absence de reconnaissance et de financement des cultes et la neutralité des institutions publiques et de leurs représentants. 

Cependant tout le XXème siècle est ponctué de reconfigurations autour de la loi de 1905 et l’école est alors toujours au cœur des polémiques : lors de la loi Debré en 1959 sur les contrats entre l’Etat et les établissements d’enseignement privé, ou comme dans l’affaire du foulard de Creil en 1989. 

En effet, la laïcité est un concept qui divise car il relève d’un débat sémantique et philosophique mais aussi juridique et politique sans que son sens ne fasse réellement consensus. La République n’est déclarée laïque qu’en 1946 et le terme “laïcité” n'apparaît qu’en 2004 dans le corpus législatif.

Une mosaïque sémantique 

 

Bien souvent le sens général et abstrait du terme met d’accord mais il divise dès qu’il faut trancher des situations concrètes, dès qu’il doit être opérant dans le réel. Ce sont les interprétations et actions qui découlent de ce sens qui révèlent les oppositions. 

Rares sont ceux qui remettent en cause que la laïcité est une loi de liberté de conscience et de la protection de cette liberté.  Cependant la définition même de la liberté peut donner lieu à des polémiques, quand on met en question la liberté des femmes à choisir de porter le voile ou non par exemple.

 Ainsi on peut tenter de synthétiser les désaccords à partir des trois notions qui permettent de délimiter la laïcité : la séparation du religieux et du politique, la garantie de la liberté de culte et la neutralité de l’Etat. 

On a vu déjà que la séparation stricte était remise régulièrement en question soit que l’Etat finance et subventionne les cultes en Alsace-Moselle ainsi qu’à Mayotte par exemple, soit qu’il tente de les contrôler lors des différentes Charte des principes de l’Islam de France. 

De même la garantie de la liberté de culte peut-être mise à mal lorsqu’on refuse aux élèves d’excuser leurs absences les jours de fêtes religieuses, ce qui est un droit, lorsqu’on veut interdire la prêche et la prière en public, ou que le port des signes religieux soient discriminants à l’emploi voire interdits dans les règlements intérieurs des entreprises privées.

La neutralité en question   

 

Depuis une trentaine d'années, c'est la neutralité qui est alors au cœur des polémiques. Selon Stéphanie Hennette-Vauchez, professeur de droit public, on observe une “hypertrophie” de la neutralité au détriment de la liberté et de la séparation.

En un siècle, la neutralité de l’Et     at et des institutions publiques va devenir la neutralité non seulement des agents mais aussi des usagers : en 2004 les élèves des écoles publiques sont les premières personnes privées à qui on impose la discrétion religieuse. 

Depuis on demande aux parents accompagnants, aux étudiantes du Greta, et cela soulève la question de la domination pour Cécile Laborde, professeure de théorie politique. 

Le prosélytisme  : une exception propre à l'école. 

 

Juridiquement les manifestations religieuses et le prosélytisme sont licites dans l’espace public et pour la société civile. 

En revanche, elles sont  interdites  à l’école depuis 1937 mais le contexte est celui de l'interdiction de la propagande et du prosélytisme politique.

La venue au pouvoir du Front populaire en 1936 déchaîne l’opposition et c’est contre la propagande et les ligues d'extrême droite dans les lycées que Jean Zay, alors ministre de l’éducation nationale, déclare l’interdiction de distributions de tracts politiques et de discours de propagande.  “ Les écoles doivent rester l’asile inviolable où les querelles des hommes ne pénètrent pas”. 

Il ajoutera en 1937 “ Il va de soi que les mêmes prescriptions s’appliquent aux propagandes confessionnelles”. 

Il s’agit de ne pas exposer l’école, lieu de l'instruction des savoirs, à des luttes d’opinions et de croyances mais aussi de protéger les élèves  de la pression et de la contrainte du groupe alors que leurs esprits sont encore en formation.

La laïcité : principe ou valeur ? 

 

Un autre aspect du débat est la question du statut de la laïcité : est-ce un principe, c'est-à-dire un ensemble de règles et lois juridiques qui organisent la société et ses rapports à l’Etat,  ou bien est-ce une valeur ? 

Faire de la laïcité une valeur comporte un  risque, celui qu’on ne partage pas cette valeur, qu’on ne s’y reconnaisse pas et qu’on la mette en équivalence avec d’autres valeurs. C’est le risque aussi de sacraliser un choix politique, d’en faire un indiscutable qui tranche entre les “bons” citoyens et les “mauvais”.

C’est pourtant le choix des défenseurs d’une laïcité comme valeur fondamentale a-morale et a-religieuse qui permettrait l’association politique. La laïcité serait alors la condition de possibilité d’une société sans fondement communautaire ni religieux. 

C’est ainsi que Pierre Kahn, philosophe et professeur en sciences de l’éducation, décrit la position de celles et ceux qui défendent une laïcité qu’il nomme “substantielle”. La laïcité est alors conçue non comme un moyen de garantir les libertés mais à la fois comme l’origine et la fin d’une association politique véritablement républicaine. 

À l’opposé Pierre Kahn défend une laïcité qu’il nomme “procédurale” comprise comme un cadre juridique qui garantit la liberté et l’égalité qui sont pour lui les finalités à poursuivre dont la laïcité n’est qu’un moyen, un instrument. 

Écoutons Jean-Fabien Spitz, professeur de philosophie politique, qui explique cette distinction entre valeurs et principes. 

Et les élèves ?

 

Le risque est alors que la laïcité soit perçue par les élèves comme un ensemble d’obligations et d’interdictions plus que comme la garantie de leurs libertés, comme une négation de leurs identités plutôt que comme la préservation de leurs facultés à faire leurs propres choix pour eux-mêmes. 

Qu’en disent alors les enquêtes statistiques ? 

L’étude du CNESCO révèle que les ¾ des élèves de Terminale pensent “ que la neutralité et l’indépendance de l’État vis-à-vis des religions favorisent la démocratie” et l’étude menée par Charles Mercier & Philippe Portier pour l’Observatoire internationale du religieux en 2023,  montrent que les jeunes générations ont une conception généralement plus ouverte de la laïcité. Ecoutons Phillipe Portier à ce sujet. 

Il assume ainsi d’opposer les plus anciens aux jeunes générations. 

Conclusion 

 

Redéfinir et retracer l’histoire d’un concept aussi large, c’est contribuer à dépassionner le débat, à ouvrir un espace où la discussion est possible, ce que les élèves attendent souvent avec impatience, dans un contexte souvent tendu où la panique peut nous faire couper court et imposer le silence face à un principe devenu dogme

 

 

 

 

 

 

Et pour aller plus loin ...

Les interviews cités

 

Sur la laïcité, quelques références

Émission préparée par ...

 

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