Y aura-t-il des profs devant tous les élèves en septembre ? À la rentrée scolaire 2022 les chiffres avaient fait grand bruit, plus de 4000 postes d’enseignants n’avaient pas été pourvus sur le territoire. À grand renfort de job dating, ou d’annonce de recrutement sur pôle emploi les académies les plus déficitaires comme celle de Créteil ou Versailles ont tenté de répondre en urgence à ces situations. La pénurie d'enseignants s'inscrit dans un mouvement plus large qui dure depuis des années, en particulier dans certaines disciplines et dans certaines académies. Un récent rapport de la Cour des Comptes paru en février 2023, parle à ce sujet de crise d’attractivité du métier , et le Snes-FSU, premier syndicat enseignant, alerte sur un « réel état d’urgence ».

Pourquoi la crise du recrutement dans les métiers de l'enseignement est-elle récurrente et en quoi la situation d'aujourd'hui  est-elle inédite ?

Pour le savoir nous avons mené l’enquête

Le recours aux personnels contractuels : un usage récurrent

La référence à une « crise » du recrutement est fréquente dans les médias pour évoquer le fait que les concours ne permettent pas de recruter assez d’enseignants pour couvrir tous les besoins. Mais cette crise n’est pas nouvelle.

L'historien de l’éducation Claude Lelièvre rappelle que le recours à des personnels non-titulaires a toujours été monnaie courante pour compléter les effectifs. Ces enseignants recrutés hors concours ont représenté jusqu’à 40 % des enseignants en collège en 1967. Aujourd’hui les personnels non-titulaires, parmi lesquels des enseignant.es mais aussi des personnels de vie scolaire, représentent environ 20% des effectifs, pour couvrir les besoins. Si le recours aux personnels contractuels n'est pas nouveau, il ne suffit plus aujourd'hui pour couvrir les besoins.

Si les difficultés de recrutement ne sont pas nouvelles, elles ne sont pas globales non plus. Le manque d’enseignants est particulièrement important dans certaines disciplines et dans certaines académies.

Pour les disciplines, certaines d’entre elles connaissent de véritables pénuries de candidats, c’est le cas notamment des mathématiques, ou encore des lettres modernes. Pour la rentrée 2023, ce sont plus de 200 postes, toutes disciplines confondues, qui n'ont pas été pourvus  à la suite du concours du CAPES.

Concernant les académies, il existe de grandes disparités d'un territoire à l'autre. Les chiffres de l’académie de Créteil sont particulièrement éloquents à ce sujet. En 2021, il manquait près de 400 professeurs des écoles pour couvrir les besoins après le concours. Pour les élèves, ces difficultés de recrutement contribuent à augmenter les inégalités d'accès à l'éducation d'un territoire  l'autre, et ces situations sont d'ailleurs dénoncées par le collectif On veut des profs

conditions de travail, entrée dans le métier et montée des incertitudes

Mais quelles sont les raisons qui expliquent ce phénomène ?

Une première raison, qui est souvent évoquée est celle des conditions de travail notamment au regard de l’augmentation du nombre d'élèves par classe et du salaire. Comparé aux voisins européens, la France apparaît plutôt dans la moyenne basse des salaires. Les étudiant.es diplômé.es d'un Master, en particulier dans certaines disciplines comme les mathématiques ou la physique, peuvent prétendre à des salaires bien plus élevés dans d'autres carrières, mais toutes les disciplines sont concernées.

Une autre raison concerne les difficultés d’entrée dans le métier : c’est notamment la question de la mobilité contrainte pour les enseignants du second degré. Les premières années sont souvent marquées par une affectation non choisie pour une durée inconnue, dans des établissements qui cumulent les difficultés sociales et économiques.

Enfin au-delà de ces raisons, plusieurs recherches soulignent aussi la montée des incertitudes dans les métiers enseignants que ce soit face aux conditions d’exercice, à la carrière, ou au sentiment de dévalorisation sociale de leur métier.

une "crise des vocations" ?

Quant à la fameuse « crise des vocations » est-ce un argument pertinent  ?

Dans un article publié en 2004 dans la Revue Française de pédagogie, Pierre Périer, Professeur des universités en sciences de l’éducation montre que l’entrée dans les métiers de l’enseignement s’explique non pas par la seule « vocation », mais par plusieurs raisons parmi lesquels l’intérêt pour la discipline ou pour l’éducation, mais aussi les bénéfices statutaires du métier. Or, aujourd'hui, ces bénéfices semblent peu attractifs tant les conditions de travail se dégradent comme le pointe une récente enquête de la DEEP. Ces difficultés de recrutement peuvent d'ailleurs être mises en parallèle avec le phénomène de démissions analysé par la sociologue Sandrine Garcia dans un ouvrage récent.

Ces difficultés ne sont d’ailleurs pas propres aux métiers de l’enseignement, et se retrouvent aussi dans d’autres secteurs de la fonction publique, et en particulier dans les métiers du soin et du social. Alors face à cela que faire ? On écoute les mots de Lucie Castets porte parole du collectif Nos services publics

« Qu’est-ce qu’on fait pour attirer des gens ---a mon sens y a une paupérisation de la fonction publique ---revaloriser, donner du sens, un objectif plus noble qui est celui de servir les gens »

Ces valeurs du service public il y a toujours des enseignants, des CPE, des chefs d'établissement qui les défendent dans leur travail quotidien, malgré les difficultés. Alors merci à toutes ces personnes.

En quête d'école c’est fini pour cette année ! Quant à moi, je poursuis ma route dans le service public, et je passe le micro à une nouvelle voix que vous retrouverez dès septembre sur les ondes de Kadékol !