Aller au contenu. | Aller à la navigation

Outils personnels

Kadékol

Navigation

L'éducation a sa webradio

ENS Lyon - cobranded.svg

 

Retrouvez les relais de Kadékol

Vous êtes ici : Accueil / EN QUÊTE D'ÉCOLE / # 22 L'École française aime-t-elle les mathématiques ?

EN QUÊTE D'ÉCOLE : épisode 23 (08/12/2022)

# 22 L'École française aime-t-elle les mathématiques ?

Les mauvais souvenirs liés aux mathématiques sont un thème récurrent dans la culture populaire, comme l’illustre bien le film  Comment j’ai détesté les maths  réalisé par Olivier Peyon en 2013. Considérée trop difficile, technique, ou encore trop abstraite, la discipline fait le malheur des élèves français aux tests standardisés PISA. Le récent retour des mathématiques dans le tronc commun du lycée général en classe de 1ère, après presque trois ans d’absence marque un énième rebondissement dans l’histoire qui lie l’école française aux mathématiques.

Car s’il y a une discipline pour laquelle notre pays est reconnu à l’international, ce sont paradoxalement les mathématiques. Avec 13 médailles fields gagnées par des compatriotes, nous nous plaçons en deuxième position juste après les Etats-Unis.

Alors comment expliquer cette histoire d’amour chaotique entre l’école française et les mathématiques ?

Pour le savoir, nous avons mené l'enquête.

La discipline de la sélection scolaire

 

Pour comprendre la place particulière des mathématiques en France il faut préciser une chose : c’est la place centrale prise par cette discipline dans le curriculum. Jusqu’à la récente réforme du lycée, les mathématiques étaient une, sinon la discipline de la sélection scolaire. Et pourtant cela n’a pas toujours été le cas.

Pendant longtemps la sélection scolaire, s’opère par le latin et le grec. C’est la réforme des mathématiques modernes, qui a lieu dans les années 1970, qui vient marquer un tournant. Son objectif est de rapprocher la discipline enseignée en classe, des mathématiques pratiquées à l’université, et cela s’en ressent dans les classes. 

Pour former les enseignant-es à ces nouvelles méthodes, des groupes de travail se mettent en place entre enseignant-es, chercheur-es, et formateur-ices : c’est la naissance des IREM, Instituts de Recherche sur l’Enseignement des Mathématiques. Ces espaces de collaboration entre enseignement et recherche sont très rares voire uniques dans le paysage de l’enseignement.

L'inquiétude monte quant au niveau des élèves français en mathématiques

 

Mais après ce temps d’enthousiasme, l’inquiétude quant au niveau des élèves monte dans les années 1990. Une enquête de la DEEP qui mesure annuellement les performances en calcul à l’issue du primaire, révèle chaque année la dégradation du niveau des élèves. Cette préoccupation augmente dans les années 2000-2010 avec la publication des études de comparaison internationales comme PISA, ou TIMMS, qui sont souvent reprises dans les médias.

Les problèmes soulevés par ces rapports sont de deux nature.

D’abord ils montrent une chute générale du niveau mesuré à partir d’exercices de calcul, ou de géométrie. En 2019 d’après l’enquête nationale CEDRE, ce sont 42,4 % des élèves qui ont une maîtrise fragile des mathématiques, voire de grandes difficultés à l’issue de l’école primaire.

Et puis ces rapports montrent aussi la grande inégalité des élèves face aux mathématiques en fonction de leur origine sociale. Contrairement à l’idée reçue selon laquelle les mathématiques ne seraient pas, discriminantes socialement, le classement PISA  montre le contraire.

C’est aussi l’écart entre filles et garçons qui est pointé du doigt. D’après la récente enquête Elfe réalisée sur un échantillon de 18 000 enfants nés en 2011 en France, c’est entre la maternelle et le cours préparatoire que l’écart entre filles et garçons se creuse nettement en défaveur des premières. Pour expliquer cela, les spécialistes évoquent la piste d’un mécanisme de compensation en faveur des garçons, on les encouragerait à réussir en maths pour compenser leur moins, bons résultats en français, une autre piste est celle des biais de genre, cad des stéréotypes qui associent sciences et garçons en excluant les filles. C’est aussi l’un des résultats de la recherche menée par la sociologue Clémence Perronet, autrice de  La bosse des maths n’existe pas .

Alors on peut certes relativiser les résultats de certains rapports. Pour le classement PISA on sait que les programmes sont très différents d’un pays à l’autre et que la comparaison internationale a peu de sens . Pour les évaluations nationales, on sait aussi que le passage au numérique a pu générer un obstacle pour un certain nombre d’élèves.

Des réflexions sur l'enseignement des mathématiques qui existent depuis plusieurs décennies

 

Mais ceci- dit, cela n’empêche pas de chercher des réponses pour améliorer la situation.Le rapport Kahane, issu de la commission de réflexion sur l’enseignement des mathématiques, a été pionnier dans les années 1990 pour proposer de mieux former les enseignants en lien avec la recherche, mais malheureusement les préconisations du rapport sont restées lettre morte.

Et c’est là tout le paradoxe de l’école française et des mathématiques : on connaît les leviers qui permettraient d’améliorer la réussite des élèves (en particulier le fait de diversifier les méthodes et les pratiques pour raccrocher les élèves en difficulté) mais ils ne sont que peu mis en œuvre. En 2018, la remise du rapport Torossian Villani,  a permis quelques avancées en créant des guides de résolution de problème, et en instaurant des référents Mathématique de Circonscription chargés de former les enseignants du primaire. Quelques pas en avant donc, mais aussi un grand pas en arrière,..

La récente réforme du lycée : QUELLE PLACE POUR LES MATHématiques ?

 

Le retrait des mathématiques du tronc commun du lycée en 2019 a été l’énième rebondissement d’ une situation jugée préoccupante par l’Association des professeurs de mathématiques de l’enseignement public, qui s’inquiète depuis plusieurs décennies de la place donnée aux mathématiques et de leur enseignement en France. Si on peut se féliciter de la réintroduction des mathématiques dans le tronc commun annoncée en novembre 2022, il faut tout de même nuancer car elles resteront facultatives, une manière d’acter que les mathématiques ne font plus partie d’une culture générale commune.

Une réelle raison d’espérer en revanche, c’est le grand potentiel inexploité qui existe en France. Si nous avons des très bons chercheurs et chercheuses en mathématiques, nous avons surtout de très bons didacticiens des mathématiques, et un solide réseau de spécialistes qui réfléchissent à comment enseigner les mathématiques.

Alors faisons le pari de créer une nouvelle génération amoureuse des mathématiques, et pour cela pas besoin d’aller jusqu’à Singapour.

 

Et pour aller plus loin ...

Des ressources produites par l'IFÉ-ENS Lyon

 

Des articles et des textes sur le sujet

 

Des vidéos et des podcasts sur le sujet

 

Des sites utiles

Émission préparée par ...

  • Production - Rédaction : Diane Béduchaud
  • Réalisation technique : Sébastien Boudin
  • Habillage sonore : Diane Béduchaud, Sébastien Boudin
  • Musique : Joakim Karuk, Love mode
  • Remerciements : Sophie Roubin de l'IFÉ-ENS Lyon pour sa précieuse connaissance sur l'enseignement des mathématiques, Florence Sauvebois pour sa relecture et ses conseils avisés

Fermer