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EN QUÊTE D'ÉCOLE : épisode 18 (10/03/2022)

Les langues des élèves à l'école

Au printemps 2021 des manifestations ont eu lieu pour défendre l’enseignement immersif en langues régionales. Celui-ci était remis en question par le Conseil constitutionnel et par le ministre de l’Éducation, au nom de l’article 2 de la Constitution qui prévoit que la langue de la République est le français. Ces événements ont remis sur le devant de la scène un débat très ancien sur la place que doivent avoir les langues régionales au sein de l’École.

Si aujourd’hui, les langues régionales sont davantage un patrimoine historique et culturel, la question de l’intégration des langues des élèves à l’École est toujours très actuelle. Aujourd’hui en France, un enfant sur quatre grandit avec une autre langue que le français. Que ce soit pour des élèves issus de migrations récentes, ou plus anciennes, qu’ils parlent mandarin, créole, anglais ou arabe, le plurilinguisme est la réalité de nombreux élèves et familles en France. Alors comment l’École accueille-t-elle les langues des élèves ?"

Au XiXème siècle : à l'école on parle français

L'Ecole a longtemps été le lieu de la réalisation d'un projet national monolinguiste. Après la Révolution, le français s'impose comme langue du pouvoir central jacobin face aux patois locaux et aux dialectes, et ce jusque dans l'enseignement. Dans les années 1830 l’ enseignement primaire public et gratuit soutient la diffusion de la langue nationale. Selon les mots de François Guizot, alors ministre de l’Instruction publique  « chaque école doit être une colonie de langue française en pays conquis ». 

En 1925 la circulaire Monzie, interdit formellement les « parlers régionaux » dans le cadre scolaire. Les enseignants utilisent alors la  méthode dite « directe ». Une fois franchi le seuil de l’école, le patois ou dialecte est abandonné, et toutes les interactions se font en Français. Cette méthode est  aussi utilisée dans les colonies françaises créant une coupure artificielle entre la réalité culturelle et linguistique des élèves, et une scolarisation en français.

« Quand j'étais petite à l'école, je pensais que c'était pour mon bien qu'on me faisait supprimer le breton. mais depuis j'ai réfléchi et j'ai compris que même si on m'avait gardé mon breton, j'aurai su le français aussi bien que je le sais maintenant et quand même j'aurai eu deux langues. »
Témoignage recueilli par Nicole et Felix Le Garrec en 1976.

Les années 1980 : une nouvelle valorisation de la diversité linguistique dans le cadre Éducatif

Pendant longtemps, la politique éducative et linguistique menée à l’école de la République est donc celle d’un rejet des langues des élèves. Mais la situation évolue avec l’ouverture européenne, l'augmentation des échanges internationaux, et l’accélération du processus de mondialisation, qui favorisent l’ouverture aux autres langues, et la prise en compte progressive de la diversité linguistique des élèves.

Dans les années 2000 on recense 75 langues parlées en France métropolitaine et outre-mer. En métropole, un quart des adultes ont reçu de leurs parents une autre langue, souvent en même temps que le français. Les langues les plus pratiquées sont l’arabe dialectal avec plus de trois millions de locuteurs, les créoles et le berbère avec deux millions, puis  l’alsacien, l’occitan ou le breton avec des centaines de milliers de locuteurs. Le plurilinguisme est donc une réalité en France, et dans certains territoires de nombreux élèves parlent couramment plusieurs langues comme c’est le cas en Guyane.

« On sait que les enfants d'une dizaine d'années parlent pour la plupart trois ou quatre langues, c'est-à-dire des langues qu'ils ont acquises à la maison, des langues qu'ils acquièrent auprès de leurs amis en plus des langues apprises à l'école. »
Isabelle Léglise, directrice de recherche au CNRS, SéDyl, tiré du film Mots mêlés : une Guyane multilingue et plurilingue dans le cadre du projet « Langues et Innovations Numérique Educatives ». 

« Moi je suis en cours d'apprentissage pour le khallina et le sranan. A l'école j'apprends l'espagnol, bon j'arrive à le parler, pas beaucoup mais j'arrive à le parler. Et après le portugais je ne sais pas comment il est arrivé. Et dans ma commune on parle; plus le créole donc j'ai cette notion du créole. »
Témoignage d'un étudiant de Kourou tiré du film Mots mêlés : une Guyane multilingue et plurilingue dans le cadre du projet « Langues et Innovations Numérique Educatives ». 

Certaines langues comme l’anglais, l’allemand  ou le mandarin qui ont une valeur économique, sont fortement privilégiées dans le cadre scolaire. Le bilinguisme est d’ailleurs un critère de sélection pour entrer dans des filières européennes, ou des lycées internationaux sélectifs .

Les langues régionales comme le breton, retrouvent depuis quelques années un nouveau souffle à l' École, lié à l’idée de préservation de patrimoine linguistique. La création dans les années 1980 du Capes en langues régionales et l’ouverture de classes bilingues permettent à des centaines de milliers d'élèves de se familiariser avec l’alsacien, l’occitan ou encore le breton.

Les langues des ÉlÈves issus de l'immigration

Au-delà des langues régionales, ce sont aussi les langues maternelles des élèves qui prennent une nouvelle place à l’école. En particulier dans les UPE2A (unités pédagogiques pour élèves allophones arrivants), des unités d'accueil pour les élèves nouvellement arrivés sur le territoire.

Les professeurs de ces classes sont de plus en plus nombreux à utiliser les langues maternelles de leurs élèves pour leur enseigner le français comme c’est le cas avec le projet Comparons nos langues. Les enseignants comparent les différentes langues  des élèves, au travers de leurs sons, de leurs syntaxes, ou de leur sens d’écriture pour tirer profit des ressources langagières des élèves, comme l’explique Nathalier Auger Professeur des Universités en sciences du langage.

« On ne tire pas assez profit du fait que dans les classes qui accueillent des enfants nouvellement arrivés et bien ceux-ci se trouvent dans une situation de plurilinguisme. Et pourtant les recherches en sciences du langage ont montré qu'on apprend toujours une langue en référence aux langues qu'on connaît déjà.»
Nathalier Auger, Professeur des Universités en sciences du langage dans le film Comparons nos langues

Ce projet témoigne d’un véritable retournement de la vision des langues des élèves à l’école. Ici l’élève est considéré dans toute sa réalité culturelle et linguistique, et les langues qu’il parle ne sont pas vues comme des obstacles aux apprentissages, mais comme une plus value. 

Dans la même veine, le projet Langues et grammaires en île de France propose depuis 2019 un recensement des langues parlées dans cette région et en particulier celles de l’immigration récente comme le mandarin, le tamoul, l’ haïtien, ou les langues d'Afrique subsaharienne. Ces ressources peuvent aider les professionnels de l’éducation dans l’accueil et l’accompagnement des élèves nouvellement arrivés en France.

Alors certes les élèves qui entrent à l’école en France, ont un droit à l’éducation, et à l’apprentissage du français. Les élèves ont aussi le droit à la reconnaissance de leur identité, de leur culture, de leurs langue, d’autant plus à l’heure où l’interculturel est une valeur défendue au niveau européen et où la recherche montre les avantages du multilinguisme sur les apprentissages

Et pour aller plus loin ...

Des ressources produites par l'IFÉ-ENS Lyon

Des articles et des textes sur le sujet

Des vidéos et des podcasts sur le sujet 

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Émission préparée par ...

  • Production - Rédaction : Diane Béduchaud
  • Attachée de production : Inés Tchekemian Lanaspa
  • Réalisation technique : Sébastien Boudin
  • Habillage sonore : Diane Béduchaud, Sébastien Boudin, Inés Tchekemian-Lanaspa Perez
  • Musique : Joakim Karuk, Love mode
  • Remerciements : Mareike Boldt , Régis Guyon, Florence Sauvebois

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