Aller au contenu. | Aller à la navigation

Outils personnels

Kadékol

Navigation

L'éducation a sa webradio

ENS Lyon - cobranded.svg

 

Retrouvez les relais de Kadékol

Vous êtes ici : Accueil / EN QUÊTE D'ÉCOLE / #16 A quoi former les enseignants?

EN QUÊTE D'ÉCOLE : épisode 16 (10/01/2022)

A quoi former les enseignants?

Comment former les enseignants ? La formation des enseignants est un sujet hautement politique, une question qui revient de manière récurrente à chaque changement de ministre. Si les écoles normales ont duré plus d’un siècle, ces dernières décennies ont vu leur flot de réformes, les IUFM ont laissé la place aux ESPE, puis aux INSPE pour former les futurs professeurs des écoles et enseignants du secondaire. Alors, comment a évolué la formation des enseignants en France et quelles questions se posent aujourd'hui ?

Une absence de formation des professeurs jusqu'à la fin du XIXème siècle

A partir de la fin du XIXème siècle, la formation des enseignants est très variable en fonction du degré et des filières dans lesquelles ils enseignent. La formation la plus aboutie est probablement celle reçue par les instituteurs et institutrices du primaire qui sont formés pendant trois ans dans des écoles normales où ils entrent sur concours. Pendant ces années, ils alternent entre formation théorique, pratique et des stages dans les écoles. Les professeurs des lycées professionnels sont formés dans des institutions spécifiques. Quant aux professeurs du secondaire général, pendant longtemps, c’est leur niveau d’études universitaires ou le titre de leur concours qui leur permet d’enseigner, et cela sans recevoir aucune formation pédagogique. Réussir le concours de l’agrégation serait une preuve suffisante du niveau de maîtrise de la discipline, et donc de la capacité à bien enseigner, comme l’explique l’historien Jean-François Condette.

« Dans le secondaire, tout le long du XIX ème on considère que la formation pédagogique n'est pas importante, n'est pas intéressante [...] Le seul concours qui existe à l'époque c'est l’agrégation, concours très difficile, [...] on estime que quand vous avez préparé pendant un an l'agrégation vous êtes blindés pour aller prendre des élèves, vous allez y arriver sans problèmes. »
Jean-François Condette. (2019). Conférence sur l'histoire de la formation des enseignants. Inspé Lille. 

Pour comprendre cette absence de formation des enseignants du secondaire, il faut savoir qu’à l’époque il y a très peu d’établissements et très peu d’élèves qui étudient à ce niveau, il s’agit  de classes sociales moyennes et supérieures à qui il serait naturel d’enseigner. Mais déjà des critiques s’élèvent contre ce manque de formation, comme celle d’Ernest Lavisse, président du jury de l’agrégation d’Histoire en 1893 qui regrette le manque de pédagogie des candidats.

L'entrée de la pédagogie dans la formation avec la massification scolaire des années 1950

Cette situation va changer dans les années 1950, le nombre d’élèves augmente très vite et il faut recruter un grand nombre d’enseignants. C’est à ce moment-là qu'est créé un autre concours : le CAPES. Contrairement à l’agrégation, la priorité est donnée dans ce concours, à la formation pédagogique des futurs enseignants. Pour le primaire, c’est la question inverse qui se pose, ce n’est pas la formation pédagogique qui manque, mais plutôt le niveau disciplinaire qui va progressivement augmenter au fil des années. Les instituteurs et institutrices doivent avoir le bac, puis un niveau universitaire à partir de 1979. 

« Pour atteindre l'objectif ambitieux d'avoir une des meilleures école du monde, Christian Beullac a donc dépoussiéré une institution qui date de cent ans, l’école normale. Les études suivies par les futurs instituteurs seront plus longues, trois ans au lieu de deux. Elles seront en outre sanctionnée par un diplôme d'enseignement supérieur et seront enfin agrémentées de stages dans les écoles primaires et dans les entreprises. trois mesures appréciées par les premiers intéressés, qui n'hésitent pas à parler de projet historique »
Le journal de 20h. (1979). Les instituteurs. INA.

La création des IUFM : un lieu de formation unique pour tous les enseignants

C’est en 1990 qu’a lieu le grand tournant de la formation des enseignants, avec la création des  IUFM (Instituts Universitaires de Formation des maîtres) qui rassemblent dans un lieu unique la formation de tous les enseignants du primaire et du secondaire, du général et du professionnel.

« Mais la loi Jospin marque cependant une réforme significative pour le système éducatif. Les enseignants, futurs instituteurs et professeurs seront désormais tous recrutés au même niveau,  la licence, et formés ensuite dans des nouveaux institutions de formation universitaire des maîtres. »
Assemblée nationale. (1989). Vote de la loi sur la reforme de l'enseignement proposée par Jospin. INA Société. 

Dès leur naissance, les IUFM, connaissent de fortes critiques d’une partie du monde politique et intellectuel, parmi lesquels  Alain Finkelkraut ou encore Elisabeth Badinter, qui fustigent dans le quotidien Le Monde l' enseignement de « la psychologie, de la pédagogie et de la communication [qui] marginalisent l'enseignement des disciplines. »

Devenus ESPE en 2013, puis INSPE en 2019, les établissements de formation des futurs enseignants accueillent aujourd’hui les élèves jusqu’au niveau Master. 

Formation disciplinaire ou formation professionnelle ? 

 Les réformes de la formation des enseignants se suivent et remettent souvent les mêmes sujets en débat, symbole de la lutte entre plusieurs courants de pensée comme l’explique Vincent Troger Maitre de conférences  en sciences de l’éducation.

« La France hésite entre deux modèles de formation : on va dire celui classique des écoles normales et de la préparation au concours puis celui plus nouveau qui est exigé par la masterisation qui est de transmettre à la fois un enseignement en alternance pour apprendre des gestes professionnels adaptés aux besoins d'aujourd'hui mais aussi d'avoir une réflexion en termes d’initiation à la recherche en éducation pour essayer de mieux comprendre tous les déterminants du travail d'enseignant, les adolescents, la gestion des groupes, la gestion des interactions en classe etc [...] »
Vincent Troger. (2017). Quelles formations pour demain. Ifeap.

Aujourd’hui la formation initiale des enseignants combine un haut niveau de maîtrise disciplinaire, mesuré par un concours, à une initiation à la recherche, et des enseignements variés qui vont de la psychologie à la didactique. Finalement ce qui pose question en France, ce n'est pas tant le contenu, mais plutôt la temporalité des études qui pose question, et en particulier  la place du concours.  

A contrario, Vincent Troger met en avant le modèle de la Finlande où les futurs enseignants sont sélectionnés au niveau L1 sur des capacités académiques et sur leur motivation pour exercer le métier. Après cette sélection, ils reçoivent une formation théorique et pratique, avec des stages progressifs pendant plusieurs années. Ce modèle de formation simultanée entre formation disciplinaire et professionnelle est d’ailleurs un modèle dominant en Europe, la France faisant figure d’exception.

La dernière réforme de la formation en France

 La dernière réforme de la formation des enseignants a décalé la place du concours à la fin du master 2. Cette année de M2 est donc très intense, puisqu’elle comprend la préparation d’un concours exigeant, mais aussi un service d’enseignement à tiers temps, et la réalisation d’un mémoire de recherche. Les étudiants de Master 2 passent du statut de fonctionnaires à celui de contractuels et leur rémunération passe de 2000 euros bruts à 850 euros bruts, ce qui pose la question de leur précarisation comme l'explique le sociologue Pierre Merle dans un article paru en 2020 dans La Vie des Idées.

Financière, politique, mais aussi idéologique, la formation des enseignants est un sujet à multiples facettes qui continue à faire débat.

Et pour aller plus loin ...

Des ressources produites par l'IFÉ-ENS Lyon

 

Des articles sur le sujet

 

Des vidéos et des podcasts sur le sujet 

Émission préparée par ...

  • Production - Rédaction : Diane Béduchaud
  • Attachée de production : Inés Tchekemian Lanaspa
  • Réalisation technique : Sébastien Boudin
  • Habillage sonore : Diane Béduchaud, Sébastien Boudin
  • Musique : Joakim Karuk, Love mode

Fermer