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EN QUÊTE D'ÉCOLE : épisode 15 (10/12/2021)

La course de l'orientation

Voie générale ou voie pro ? Spécialité maths ou chimie ? BTS ou IUT ? Si ces questions vous donnent des sueurs froides, alors même que vous n’êtes pas concerné, c’est tout à fait normal, une récente enquête du CNESCO a montré que deux tiers des jeunes entre 18 et 25 ans considèrent que l’orientation a constitué une source de stress dans leurs parcours. Trouver une formation, un métier, et surtout ne pas se tromper, c’est parfois le parcours du combattant. Avec seulement un conseiller d’orientation psychologue pour 1200 élèves en moyenne, l’orientation repose bien souvent sur les actions des professeurs principaux, ce qui pose la question de leur formation, mais aussi sur les familles, qui sont inégalement préparées et informées sur les rouages de l’orientation. Mais alors depuis quand l’orientation existe-t-elle en France et pourquoi est-elle toujours un casse-tête pour les élèves et leurs familles ? Pour le savoir nous avons mené l’enquête.

la généralisation de l'orientation en France

La question de l’orientation se développe dans les années 1930, pour répondre aux besoins du monde professionnel. Le principe même de l’orientation se fonde alors sur l’idée d’une adéquation entre d’un côté des métiers qui exigent certaines aptitudes, et de l’autre des individus qui ont des qualités, des talents. L’orientation est alors dédiée aux élèves de formation professionnelle et technique, à qui on fait passer des tests et des entretiens psychologiques pour trouver la carrière qui sera la mieux adaptée pour eux. 

Dans les années 1960 la scolarité obligatoire s’allonge, passant de 14 à 16 ans, et le système éducatif est alors réorganisé en deux filières avec d’un côté la filière générale et de l’autre la filière technique. A partir de ce moment-là orienter, signifie répartir les élèves dans l’une ou l’autre des filières en fonction de leurs performances scolaires et de leurs goûts.

Progressivement l’orientation se transforme et donne de plus en plus place au projet des élèves et aux demandes de leurs familles. Et pour donner aux jeunes les moyens de s’informer et de choisir l’ONISEP, Office national d’information sur les enseignements et les professions, voit le jour dans les années 1970.

En quelques décennies on passe d’une orientation de masse, chargée de trier et de sélectionner les élèves, à une orientation plus individualisée, qui met en son centre l’élève et son parcours, au moins en théorie.

Inégalités des jeunes face à l'orientation : le lieu de vie, le genre et les performances scolaires

Mais face à l'orientation, tous les jeunes ne sont pas encore égaux. D’abord l’orientation des élèves est fortement liée à l’offre scolaire qui existe là où ils habitent. Une récente étude de la DEPP montre que plus les jeunes vivent dans des espaces urbains, plus ils disposent d’une offre scolaire diversifiée et attractive. A l’inverse, pour les jeunes qui vivent dans les espaces ruraux les moins denses et les plus éloignés des centres urbains et universitaires, l’offre est moins diversifiée, et plus spécialisée dans des formations courtes et professionnelles. De plus, le coût financier et l’éloignement du lieu des études représente de véritables freins en particulier pour les jeunes filles qui vivent en milieu rural.

Si l’orientation diffère entre les jeunes des villes et ceux des campagnes, elle est aussi une affaire de genre, de la même manière qu’à l’école certaines matières sont considérées féminines et d’autres masculines, cette division sexuée se poursuit dans les choix de formation, à la fois du fait de stéréotypes mais aussi du fait d’une anticipation du monde du travail comme l’explique la sociologue Marie Duru Bellat :

« [...] Et là je pense que parler de stéréotypes c’est un peu réducteur. Les jeunes anticipent le monde du travail tel qu'il est. Vous allez faire des cours ou des séances à des jeunes filles en disant « allez, allez, il n'y a pas de problème etc... » et là elles sortent des cours et elles voient un immeuble en construction, elles ne vont voir que des hommes et puis elles n'ont peut-être pas envie d'y aller. [...] C’est pas que du stéréotype, c’est aussi de la réalité, et si on veut changer ce qui apparait comme des inégalités d’orientation en ce sens que ça limite les choix, c'est aussi la réalité qu'il faut changer et pas seulement penser qu'on va faire des discussions sur les stéréotypes et que ça va s’atténuer tout seul »
Marie Duru-Bellat, Les parcours différenciés et les choix d'orientation à l'école, Académie de Poitiers, 2014.

Enfin l’orientation est aussi une affaire de performances scolaires, alors même que les discours sur l’orientation mettent au premier plan la connaissance de soi par les élèves, leurs goûts, leurs choix, ce sont finalement les notes et les performances des élèves qui comptent pour l’orientation post bac, puisque Parcoursup est basé exclusivement sur les notes de première et de début de terminale.

 

L'urgence de l'orientation

Cette sélection par les notes vient accentuer l’anxiété des jeunes qui pensent que leur vie est toute tracée en fonction de leur bulletin scolaire. C’est ce que montre la sociologue Cecile Van de Velde qui met en avant le sentiment d’urgence que connaissent les jeunes en France dès la fin de troisième, puis en seconde, pour trouver une voie, un métier, avec l’idée que ce choix est définitif. 

« On a créé des parcours marqués par l’urgence modèle et la compression des choix. Ça met une une pression sur les premières années de jeunesse. »
« Les préconisations ce serait de déverrouiller ce temps de l’orientation et même d'arrêter de penser à l'orientation [...] donner le droit de rebondir et de bifurquer [...] valoriser ces temps de pause dans les trajectoires qui sont nécessaires à la construction des choix de vie parce que c'est un vrai travail individuel »
Cecile Van de Velde, Université de Montréal, Orientation des jeunes, 2017.

Permettre aux jeunes de faire évoluer leurs projets, de rebondir, c’est aussi une nécessité économique. Selon une étude de 2017 de l'Institute for the future, 85 % des métiers « du futur » n’existeraient pas encore, ce qu’il faut c’est plutôt donner aux jeunes des clés pour être capable de faire des choix et pour se former tout au long de leur vies.

Mais à court terme, comment faire pour aider les élèves à trouver leur premier métier ? Comment les aider à viser au-delà de ce qu’ils connaissent ? Plusieurs projets existent déjà pour accompagner les élèves et lutter contre leur méconnaissance des métiers ou leur autocensure. C’est notamment le cas d’un projet de la communauté européenne « Boys in care » qui a pour objectif d’inciter les jeunes hommes à s’orienter vers des des professions de l’aide à la personne, qui sont généralement à dominante féminine, de la même manière des associations comme Femmes et sciences ou Bâtir au féminin incitent les filles à poursuivre des carrières vers des métiers où les hommes sont majoritaires. D’autres associations, proposent de mettre les élèves en relation avec des tuteurs qui vont les aider dans leur réflexion sur leur avenir, c’est le cas d’Article 1 et de Chemin d’Avenir.

Mieux accompagner les élèves au sein de l’Éducation Nationale, cela doit bien sûr passer par davantage de ponts avec les associations et le monde du travail, mais aussi par une meilleure formation pour les enseignants, davantage d’heures dédiées à l’orientation et davantage de psychologues de l'éducation nationale pour permettre à chaque élève d’être accompagné individuellement et de faire des choix éclairés pour son avenir.

Et pour aller plus loin ...

Des ressources produites par l'IFÉ-ENS Lyon

 

Des articles sur le sujet

 

Des sites utiles

 

Des vidéos et des podcasts sur le sujet 

Émission préparée par ...

  • Production - Rédaction : Diane Béduchaud
  • Attachée de production : Inés Tchekemian Lanaspa
  • Réalisation technique : Sébastien Boudin
  • Habillage sonore : Diane Béduchaud, Sébastien Boudin
  • Musique : Joakim Karuk, Love mode

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