Pendant longtemps, l’école a eu le monopole en matière de formation, allant jusqu’à imposer des modalités d’apprentissages — que l’on place souvent sous la notion de forme scolaire — et des savoirs, à travers des programmes et des disciplines scolaires, qu’il fallait transmettre aux élèves. Si l’école garde encore aujourd’hui le monopole dans la collation des grades, en matière de savoirs et de compétences, elle est fortement concurrencée par d’autres canaux de diffusion, mais aussi par une diversité toujours plus grande d’acteurs éducatifs — publics comme privés — qui ont trouvé leur place dans le marché scolaire. Dans tous les cas, on peut affirmer que cette école, sans doute un peu mythique, close sur elle-même, est désormais obsolète. D’autant que, sous l’effet de la massification et de l’allongement des études, elle a subi un double mouvement :

• D’une part les publics scolaires se sont diversifiés avec l’arrivée de « nouveaux » élèves ayant une maîtrise qui peut s’avérer très relative des codes qui organisent les études — provoquant de profondes et durables inégalités dans les destins scolaires.
• D’autre part, les frontières de l’école, qui semblaient évidentes il y a encore quelques décennies, ne le sont plus, provoquant ainsi la circulation d’objets et de savoirs entre le monde scolaire et la société, à l’origine de toute une série de malentendus.

Il nous semble en tout cas important de sortir ici de la caricature et de l’opposition entre une école pensée comme un sanctuaire, hermétique à tout ce qui viendrait de la société, et une école perméable à tout ce que la société peut lui prescrire (en termes de transmission). Bref : qu’est-ce qu’une école qui serait ancrée dans son époque, tout en conservant ses objectifs fondamentaux ? Car, en définitive, la question que nous nous posons, et que nous poserons à nos deux invités, est la suivante : quelles sont les continuités — et les ruptures nécessaires — entre les apprentissages développés dans le cadre scolaire et les ceux proposés dans d’autres environnements, familiaux, amicaux ou associatifs, qui gravitent autour de l’école ?

Voilà autant de points que nous souhaitons aborder avec nos deux invités, qui ont présidé à la conférence de consensus, organisée par le CNESCO en novembre dernier autour de la problématique : « Nouveaux savoirs et nouvelles compétences des jeunes. Quelle construction dans et hors de l’école ? » : à commencer par Anne CORDIER, professeure des universités en Sciences de l’Information et de la Communication à l’Université de Lorraine, autrice de Grandir Informés (C&F Éditions, 2023), et a codirigé l’ouvrage Les enfants et les écrans : Mythes et réalités, publié en 2023 chez Retz. Elle est par ailleurs membre du comité scientifique de la revue Diversité de l’IFE. Et Cédric FLUCKIGER, professeur en sciences de l’éducation à l’Université de Lille et membre du Centre Interuniversitaire de Recherche en Éducation de Lille (CIREL), chercheur en didactique de l’informatique et sociologie des usages, en particulier sur les dispositifs scolaires de formation au numérique et à l’informatique. Et comme chaque mois, on retrouvera la chronique historique, proposée aujourd’hui par Alban ROBLEZ, maitre de conférences en sciences de l’éducation et de la formation à l’Université Catholique de Lille.