Au cours de sa scolarité, un élève doit passer toute une série de paliers, pour ne pas dire d’épreuves, donnant lieu à des bifurcations plus ou moins brusques dans son parcours d’études. On retrouve ces moments clés à chaque changement de cycle : à la fin de l’école élémentaire, lorsqu’il faut choisir entre le collège et la Segpa (par exemple), à la fin du collège, quand il s’agit de décider d’aller plutôt en lycée général et technologique ou en lycée professionnel et en apprentissage, puis à la fin de la seconde pour décider du lycée technologique ou général, et évidemment, à la fin des études secondaires lorsqu’il s’agit d’accéder aux études supérieures.

Chacun de ces paliers n’est pas juste un temps où il suffit de choisir en fonction de sa préférence ou de son appétence pour telle ou telle discipline ou poursuite d’études, comme on le ferait devant un catalogue d’offres de formation. Les décisions prises sont d’abord le fruit d’un long processus qui engage aussi bien l’élève que sa famille, l’équipe enseignante que l’institution, mais aussi d’un contexte qui est propre à chaque territoire et établissement, qui ont leurs propres contraintes en termes d’offres, de mobilité, etc.

On le voit, l’orientation correspond à la fois à une succession de temps bien balisés, et à un cheminement long, et très personnel pour ne pas dire intime. Où la liberté dans les choix à s’orienter — mise en avant dans les discours institutionnels et politiques — reste limitée et contrôlée par celles et ceux qui l’organisent. D’où les tensions, parfois vives, qui peuvent surgir dès lors que les élèves ont l’impression, à tort ou à raison, d’avoir subi leur orientation, de se retrouver dans une filière qui ne correspond ni à leur souhait ni à leur projet, quand ils en ont un. D’où également le regard critique qu’on peut avoir sur le système éducatif dans lequel l’orientation fonctionne souvent comme un révélateur de toutes les inégalités qui le traverse ; le facteur social (et territorial) pesant plus que d’autres dans les destinés scolaires des élèves. D’où encore les inquiétudes vécues par les élèves, et leurs familles, dans tout le processus d’orientation de plus en plus gouverné par les plateformes, à l’image d’Affelnet et ParcourSup, dont les paramètres échappent grandement aux bénéficiaires mêmes.

Voilà autant de points que nous souhaitons aborder avec nos deux invités : Esther GEURING, ATER au département des sciences de l’éducation et de la formation de l’Université Rennes 2 et doctorante au CREAD (Centre de recherche sur l’éducation, les apprentissages et la didactique), et Paul LEHNER, maître de conférence en sciences de l’éducation et de la formation à l’INSPE de Lille et membre du CIREL (Centre interuniversitaire de recherche en éducation de Lille). Vous êtes l’auteur en 2020 de Les Conseillers d’orientation, un métier impossible aux PUF. La chronique historique est proposée dans cet épisode par Apolline SAUVAGE, doctorante à l’ENS de Lyon.