Par l’article 1^er de la Constitution de 1958 – celle de la Ve République, « la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances ». Ainsi, et au-delà de la loi de 1905, le principe de laïcité fait partie des droits et libertés que la Constitution garantit, et d’une certaine manière, il est intimement lié à ce qu’est la République. Mais au-delà de ce consensus, il reste de profonds désaccords quant à la signification du terme. Et c’est bien à propos de ces éléments de débat que nous souhaitons organiser les échanges avec nos deux invités.

Car la laïcité compte parmi ce que l’historien anglais Théodore ZELDIN appelait les « passions françaises » : elle divise et crée des fractions l’espace politique et médiatique, et au-delà au sein de la société, en particulier entre celles et ceux qui souhaitent une simple neutralité de l’État à l’égard du religieux et ceux et celles qui prônent le contrôle des cultes allant jusqu’à expurger l’espace public de toute manifestation visible du religieux. Nous reviendrons notamment sur cette notion de neutralité qui semble s’imposer comme le sens donné à ce qu’est la laïcité.

Et je souhaite, avec l’échange que nous proposons, revenir au socle de compréhension de ce qu’est la laïcité « dans le texte et dans les règles », en opposition aux représentations que nous pouvons en avoir, qui n’ont bien souvent aucun fondement sérieux. D’autant que si on relit l’histoire de la laïcité depuis la naissance de la IIIe République, on se rend rapidement compte que ce n’est pas une question définitivement tranchée, et que les débats à son sujet ont été permanents.

Évidemment, l’école est traversée par ces débat, et même souvent placée en première ligne sur ces questions. En effet, avec l’affaire du foulard de Creil en 1989, la laïcité a ressurgi dans l’espace scolaire, provoquant une recomposition du camp laïc. Nous voyons alors deux courants ou approches éducatives s’affronter : soit appliquer strictement la loi au risque d’exclure des catégories d’élèves ou bien accepter tous les élèves, quelles que soient leurs croyances et pratiques religieuses au nom de la liberté d’expression et de croyance. La loi de mars 2004, dont nous avons fêté les 20 ans cette année, devait apporter une réponse, sans doute incomplète ou insatisfaisante, en interdisant aux élèves le port de signes ou tenues qui manifestent ostensiblement une appartenance religieuse (Article L141-5-1 du code de l’éducation). Malgré cette loi, les acteurs restent face à des situation complexe, notamment quand il s’agit de juger si un vêtement ou un signe est discret ou ostentatoire, et à prouver l’intention du port d’un signe, quel qu’il soit…

Voilà autant de questions que nous souhaitons aborder avec nos deux invités : Stéphanie HENNETTE-VAUCHEZ, professeure en droit public à l’université Paris Nanterre et membre senior de l’Institut universitaire de France. Elle a publié récemment deux ouvrages clés sur la question : L’Ecole et la République. La nouvelle laïcité scolaire chez Lefebre Dalloz – et nous reviendrons sur cette « nouvelle laïcité scolaire » ; et Laïcité dans la collection « Le mot est faible » chez Anamosa. Et Ismaël FERHAT, professeur à l’université Paris Nanterre, membre du Centre de recherches en Éducation et Formation (CREF) et chargé de mission laïcité à l’INSPE de Versailles. Il a coordonné avec Bruno POUCET le dossier « Systèmes éducatifs et religions » de la revue Éducation et Société qui vient de paraître.

Et comme chaque mois, on retrouvera la chronique historique, proposée aujourd’hui par Nicolas MORALES GUZMAN.