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EN QUÊTE D'ÉCOLE : épisode 21 (10/11/2022)

# 21 Les universités françaises à l'heure de la compétition

Chaque année c’est avec appréhension que tout le monde universitaire découvre le fameux classement de Shangai. Si certains prennent cela au sérieux, quand d’autres s’en moquent, le classement de Shangaï est l’illustration la plus évidente du nouveau modèle d’une économie de la connaissance en compétition à l’échelle mondiale. Cette mise en compétition montre plus généralement les impératifs de performance, à l’heure du nouveau management public, imposées aux établissements d’enseignement et de recherche. Évaluations de performances, financements par projets, les universités se rapprochent d’un modèle marchand. Mais cela génère de nombreuses critiques qui voient dans ces transformations une menace pour le service public et la perte des valeurs originales d’un enseignement supérieur émancipateur. À l'heure de la mise en compétition, quel avenir pour les universités françaises ?

Pour le savoir, nous avons mené l'enquête.

La massification des universités

 

L’histoire des universités est intimement liée à celle de l’accès aux études supérieures et à l’augmentation, quasi exponentielle, du nombre d’étudiants. Ainsi, entre 1950 et 1965, au moment où les effectifs commencent à augmenter de manière considérable, de nouvelles facultés apparaissent dans des villes moyennes, comme Tours ou Nantes, jusque-là dépourvues de centres universitaires.

Cette première transformation, par les effectifs, s’accompagne d’une seconde par la part grandissante des étudiants dans la gouvernance des universités, notamment avec la loi Faure de 1968 qui accorde l’autonomie aux universités. Cette gouvernance a plusieurs objectifs, listés dans le code de l’éducation : la réussite de tous les étudiants et étudiantes et l'élévation du niveau scientifique, culturel et professionnel de la nation et des individus qui la composent.

Cette visée démocratique et émancipatrice des universités est confirmée à la fin des années 1990 par la mise en place du processus de Bologne, qui conduit à la création d’un espace européen de l’enseignement supérieur. Ce processus permet à des milliers d’étudiants de partir à l’étranger, et favorise l’harmonisation des diplômes à l’échelle européenne.

Une mise en compétition intensifiée

 

S’il favorise les échanges et la mobilité ce processus fait également entrer les universités dans une mise en compétition à échelle européenne. Dans un ouvrage paru en 2017, intitulé La grande course des universités, la sociologue Christine Musselin insiste sur cette intensification de la compétition au niveau mondial depuis les années 2000.

Cette mise en concurrence va de pair avec la mise en place d’une nouvelle manière de gérer les établissements publics : le nouveau management public. Il s’agit, à gros traits, d’utiliser des principes marchands dans la gestion des administrations publiques. Ce nouveau management, touche également d’autres secteurs comme celui de la justice ou de la santé. Ces mutations transforment petit à petit les missions de l’université : davantage orientées vers l’insertion professionnelle et le monde économique, soumises à des impératifs d’innovation, de performance et de rentabilité. Mais de nombreuses critiques sont adressées à ce nouveau mode de gestion.

UN MODèle critiqué

 

D’abord, il y’a une contradiction qui apparaît clairement entre les objectifs affichés d’une université performante, compétitive et innovante, et les moyens mis en œuvre. Un exemple très parlant à ce sujet c’est la baisse du nombre de postes d’enseignants à l'université. En vingt ans, le nombre de postes a été réduit de 65 %, passant de 3 000 postes ouverts par an à la fin des années 1990, à 1 200 ces dernières années. Cette diminution drastique entraîne une dégradation des conditions d’enseignement, mais aussi des conditions pour faire de la recherche, et généralise le recours à des enseignants contractuels, comme les doctorants ou les ATER, et cela alors que le nombre d’étudiants augmente constamment.

« On a véritablement l'idée que va disparaître, petit à petit la notion d'enseignant-chercheur, par grignotage, pas aujourd'hui, mais demain ou après-demain.»                                                                                                                                                                                   Manifestation d'enseignants-chercheurs,  AFP, Paris, mars 2020.

Ensuite, une autre critique portée à ce modèle, concerne la généralisation du financements par projets, et des contrats courts qui pousse les chercheurs à passer plus de temps à demander des financements qu’à chercher comme l’explique Georges Barakat, enseignant chercheur à l’Université du Havre dans un reportage de 2020.

«La recherche a besoin de stabilité, la recherche a besoin de temps long, et par conséquent elle a surtout besoin d'éviter le turn-over, ce roulement permanent de cette jeunesse qui arrive et qui travaille chez nous six mois, un an et puis qui repart.»                                     Georges Barakat, Enseignant-chercheur à l'Université du Havre, Reportage France 3 Normandie, novembre 2020.

l'université comme service public

 

Enfin, c’est la vision de l’université comme service public qui semble remise en question avec ces réformes comme le souligne Aziz Mouline, professeur des universités en économie. De même que l’école, l’université peut difficilement rentrer dans les grilles d’évaluation de la rentabilité des secteurs marchands, elle échappe en partie à ces logiques par les valeurs qui la fondent inscrites, dans le code de l’éducation.

Alors peut-être faut-il faire un pas de côté, pour observer l’université, et suivre la voie tracée par l’ouvrage collectif L’université pour quoi faire ?, dirigé par Matthias Millet et Stéphane Beaud et publié en 2021. Ils y montrent comment l’université française, plus que toute autre formation supérieure, est un lieu de promotion sociale et d’émancipation. Et cela, le classement de Shanghai ne le mesure pas.

 

Et pour aller plus loin ...

Des ressources produites par l'IFÉ-ENS Lyon

 

Des articles et des textes sur le sujet

 

Des vidéos et des podcasts sur le sujet

       

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      Émission préparée par ...

      • Production - Rédaction : Diane Béduchaud
      • Réalisation technique : Sébastien Boudin
      • Habillage sonore : Diane Béduchaud, Sébastien Boudin
      • Musique : Joakim Karuk, Love mode
      • Remerciements : Régis Guyon de l'IFÉ-ENS Lyon  pour sa relecture et ses conseils avisés

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