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EN QUÊTE D'ÉCOLE : épisode 11 (10/05/2021)

école de la vie, méthodes actives, Freinet, Dewey, éducation à, expérimental

Est-ce que l'école prépare à la vie ?

Une grande partie de ce qu’on apprend à l’École on l’apprend pour l’École, pour réussir à l’École. Et à l’inverse, il y a un tas de choses utiles dans la vie que l'on apprend pas dans le cursus obligatoire. Moi j’aurais bien aimé avoir des cours de cuisine, ou de droit du travail, ou qu’on m’apprenne à gérer un budget, mais ça on l’apprend pas à l’École, on l’apprend dans la famille, avec les amis ou avec internet.

Pourtant, l’objectif de l’École, c’est bien de préparer les élèves à la vie, à la « vraie vie », et sur ce principe d’ailleurs personne ne contredit : historiquement l’École prépare les individus à vivre dans la société. Mais dans les faits c'est un peu plus complexe.

la division entre théorie et pratique : un mythe ancien

En théorie, l’École doit préparer à la vie, tout le monde s’accorde sur ce point. Mais la question qui divise c’est le comment. De quoi a-t-on besoin pour s'insérer dans la « vraie vie » ? Et sur ce sujet il y a une question qui revient depuis des centaines d’années : faut-il transmettre des savoirs théoriques ou des savoirs pratiques ? Cette vision dualiste qui oppose la théorie à la pratique, cela remonte à l’Antiquité. 

Pour les philosophes antiques le monde est divisé en deux, d’un côté l’esprit, de l’autre la matière. Cette vision dualiste est aussi une hiérarchie sociale : les savoirs formels, l’accès à la raison et à la réflexion c’est un privilège car pour apprendre il faut du temps. Le mot grec Scholé qui a donné école, cela signifie oisiveté, inactivité. En clair, ceux qui étudient ce sont ceux qui ne doivent pas travailler donc les nobles et les moines. Et justement qu’apprennent ils dans ces études ? De l’Antiquité au Moyen-Âge, le programme reste le même : sept disciplines appelées les « arts libéraux ». On y retrouve la grammaire, la rhétorique, ou l’arithmétique, mais aussi la musique. Les travaux manuels, comme la poterie ou l’agriculture, qui sont rattachés à la matière, au concret, sont appelés « arts mécaniques » et ne sont pas considérés comme des savoirs légitimes d'être enseignés. 

Cette opposition savoir/théorie est fortement critiquée à la Renaissance par des humanistes comme Rabelais, puis au XVIIIème siècle par des penseurs comme Rousseau. Pour Rabelais puis Rousseau, l’éducation est une œuvre totale, elle doit être intellectuelle, mais aussi physique et morale, et préparer les jeunes gens à vivre dans la société. Cette vision se développe au XIXème siècle aux Etats-Unis avec un philosophe qui s’intéresse de près à l’éducation : John Dewey.

John Dewey, le pionnier de l'éducation "totale" des enfants

John Dewey est un philosophe et psychologue qui s’intéresse beaucoup à la pédagogie. Il connaît bien sûr les philosophes antiques, mais il se nourrit aussi de la littérature de son époque et en particulier d’un ouvrage fondateur : De l’Origine des espèces de Darwin. Publié en 1859, cet ouvrage défend une thèse révolutionnaire : l'humain est une espèce comme les autres qui doit s’adapter à son environnement pour survivre. Et pour cela les humains doivent développer des connaissances utiles, instrumentales, ils doivent expérimenter, agir. Contrairement aux philosophes antiques qui opposaient le savoir intellectuel au savoir pratique, Dewey pense que les deux vont ensemble, que pour apprendre il faut faire. C’est le début de l’éducation pragmatiste.

Avec sa femme, Alice Chipman, elle même enseignante, il ouvrent une école laboratoire à l’intérieur de l’université de Chicago. Les journées passées la tête dans les livres c'est fini, les enfants apprennent dorénavant à travers des expériences concrètes comme la construction d’un potager ou la vente de produits de la ferme. L’idée fondamentale de Dewey c’est que l’apprentissage intellectuel doit passer par une expérience en situation. Une autre idée très importante pour lui c’est que toutes ces expériences partagées par les enfants sont un levier pour les préparer à une vie sociale démocratique. Ces idées se développent au même moment en Europe, avec le mouvement de l’Éducation Nouvelle. C’est l’époque des écoles expérimentales de Maria Montessori ou de Célestin Freinet.

Les expérimentations d'éducation totale en France

L’Education Nouvelle a beaucoup influencé la pédagogie, en particulier à l’école élémentaire. Les  classes vertes, les travaux manuels mais aussi le travail en petit groupe, ou la pédagogie de projet, tout cela fait partie de l’héritage de l’Éducation Nouvelle. Mais à l’échelle du système, l’organisation générale de l’éducation a peu changé, sauf dans quelques établissements scolaires expérimentaux, C’est le cas du Collège Lycée Expérimental d’Hérouville Saint Clair qui existe depuis 1982. Dans cet établissement autogéré, les élèves suivent les cours traditionnels, mais ils apprennent aussi à vivre en société, à participer à la vie sociale de leur établissement au quotidien à travers le ménage, la cuisine, mais aussi la participation aux décisions  comme l’explique François Michel Dupont chargé de direction au CLE. 

« Les principes forts du CLE c'est que l'élève est une personne, dans sa globalité, et non pas seulement un apprenant.  Un autre principe fort c'est que tout est éducatif, on va mettre l'élève en posture d'apprentissage [... ] mais aussi en tant que citoyen [...] les élèves vont participer au ménage, vont participer au groupe de cantine etc. » 
François Michel Dupont, Chargé de direction au CLE (2017).

Pour permettre tout cela bien sûr il faut un peu modifier l’organisation traditionnelle. Les plages de cours sont réduites à quarante-cinq minutes pour dégager du temps pour les ateliers interdisciplinaires, mais aussi pour des moments de tutorat en petits groupes. 

les "éducations à" dans le cursus traditionnel en FRANCE ET AILLEURS

En dehors de projets expérimentaux comme celui-ci, le système traditionnel se transforme lui aussi. Depuis quelques années des ateliers sont mis en place autour de l’éducation à la santé, l’éducation aux médias, ou encore l’éducation alimentaire, C’est le cas du projet « l'alimentation j’explore et je choisis », développé autour d’Angoulême puis de Toulouse dans lequel les élèves apprennent de manière très concrète des savoir-faire en matière de diététique, consommation et cuisine.

À l’international, plusieurs pays proposent des formations de ce genre depuis plusieurs décennies. En Finlande et au Japon, l’économie domestique (c'est-à-dire le ménage, le repassage, la cuisine) est inscrite dans les programmes scolaires pour tous les élèves. Au Royaume-Uni, les élèves suivent des cours de littératie financière dans lesquels ils apprennent à gérer leurs finances personnelles, ou à tenir un budget. Au Québec, le programme du secondaire inclut cinq domaines généraux de formation liées à des questions de la vie comme la santé, le bien-être, mais aussi, consommation responsable, ou encore découverte du monde professionnel.

Tous ces projets ne doivent pas forcément nous servir de modèle, mais ils permettent au moins de nous faire réfléchir, de nous questionner sur la finalité de l’école, sur les contenus enseignés, et sur la manière dont l’école peut nous préparer à la vie.

Et pour aller plus loin ...

Des ressources produites par l'IFÉ-ENS Lyon 

 

Des articles sur le sujet

 

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  • Production - Rédaction : Diane Béduchaud
  • Attachée de production : Inés Tchekemian Lanaspa
  • Réalisation technique : Sébastien Boudin
  • Habillage sonore : Diane Béduchaud, Sébastien Boudin
  • Musique : Joakim Karuk, Love mode

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