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EN QUÊTE D'ÉCOLE : épisode Punition (02/01/2023)

# 23 Punitions et sanctions : un sujet tabou ?

Exclusions, mots dans le carnet, heures de retenue, lignes à recopier, autant de punitions qui ravivent de douloureux souvenirs chez certains d’entre nous. Si comme l’écrivait Sénèque dans le De Ira « On doit punir, non pour punir, mais pour prévenir », force est de constater qu’il est parfois difficile de faire la distinction.

Dans le domaine de l’éducation, la sanction est la conséquence du manquement à une règle. La punition, vise à priver, ou à contraindre l’élève, et marque l'obéissance à l'autorité, la relation hiérarchique entre l’adulte à l’enfant.

A l’heure des remises en question, où d’anciennes manières d’éduquer et de sanctionner côtoient de nouvelles pratiques, la punition soulève de nombreux débats, tandis que l’école s’interroge sur les moyens d’inculquer aux élèves le sens des responsabilités.

Alors quelle est l’histoire des pratiques de punition dans l’école française, et quelle place prennent elles aujourd’hui dans le système éducatif ?

Pour le savoir, nous avons mené l’enquête.

La punition : un moyen de corriger et d'éduquer un être en formation

 

Pour comprendre les débats actuels qui se posent autour des punitions, il faut comprendre que dans la punition c’est le rapport à l'enfant comme sujet qui est questionné. Jusqu’au XVIIIe siècle, les punitions, notamment corporelles, font partie des instruments essentiels d’ une éducation où l’enfant est perçu comme un être en cours de formation qu’il faut « dresser » « corriger » afin de lui permettre d’atteindre l’Humanité.

Dans L'enfant sauvage, Truffaut, donne à voir combien le couple punition-récompense fait partie intégrante de l’éducation du jeune Victor, un enfant dit sauvage, car découvert dans la nature par des chasseurs, puis éduqué par un maître. La correction arbitraire de Victor a pour but de lui faire acquérir une conscience morale.

Cette correction jugée nécessaire, passe pendant longtemps par des sévices corporels que ce soit au sein de la famille ou à l’école. C’est à partir des philosophes des Lumières, que les martinets et autres instruments de châtiment commencent à être critiqués. Interdits à l’école à partir de 1880, ils restent néanmoins jusque dans les années 1970, reflet de ce qui se passe dans les foyers.

La naissance des droits des enfants 

 

C’est la reconnaissance des droits de l’Enfant qui naissent tout au long du XX ème siècle qui fait progressivement bouger les lignes. En 1924 la Société des Nations adopte la déclaration de Genève, un texte historique affirmant pour la première fois l’existence de droits spécifiques liés aux enfants, mais surtout la responsabilité des adultes à leur égard. Soixante-dix ans plus tard, en 1989, la Convention internationale des droits de l’Enfant des Nations Unies,  est le premier texte contraignant pour les États qui l’ont ratifiée.

Entre temps, et dans la lignée des pédagogies nouvelles, ou des réflexions de pédiatres comme Françoise Dolto, l’éducation basée sur l’humiliation et la punition est de plus en plus critiquée, car tenue responsable de graves troubles du comportement chez l’enfant devenu adulte.

Que se passe-t-il du côté des punitions scolaires ?

 

Les sanctions scolaires sont réglementées dans le droit depuis les décrets de juillet 2000 qui distinguent deux régimes punitifs :

Il y’a d’abord les punitions scolaires, qui sanctionnent les manquements mineurs et les perturbations au sein de la classe et de l’établissement. Pour cela les élèves peuvent être soumis à une retenue, des excuses orales ou écrites, ou encore une exclusion de cours.

Et puis la loi distingue pour les manquements les plus graves, les sanctions disciplinaires lorsque l’action de l’élève porte atteinte aux personnes et aux biens. Le choix de la sanction relève alors du chef d’établissement ou du conseil de discipline, et doit respecter les principes du droit pénal.

Ces décrets formalisent également l’interdiction de certaines punitions. C’est le cas de la note zéro infligée en raison de motifs disciplinaires, des punitions collectives, ou encore de l’exclusion de cours d’un élève laissé seul sans surveillance ni prise en charge. Ces règles ne sont pas toujours respectées sur le terrain,..

Quels effets ont les punitions ?

 

Julien Garric, maître de conférences à l'Université d'Aix Marseille s'est intéressé aux exclusions ponctuelles de coursSon travail dans des collèges d’éducation prioritaire montre combien ce phénomène qui concerne une minorité d’élèves exclus par une minorité d’enseignants, ne participent pas à inculquer aux élèves l’importance des règles et contribue à créer des parcours de décrochage scolaire .

Les punitions peuvent contribuer à renforcer les stéréotypes de genre, comme le montre le travail de recherche de Sylvie Ayral qui donne à voir dans son enquête comment les punitions en collège qui concernent en grande majorité des garçons, contribuent à renforcer les stéréotypes de virilité chez ces derniers.

UNE AUTRE MANIère de penser la sanction

 

Mais alors à quelles conditions les sanctions peuvent véritablement participer de l’éducation et la responsabilisation des élèves  ?

Force est de constater que les éducateurs au sens large, et les chercheurs sont peu nombreux à s’être emparés de la question. L’ouvrage d’Erick Prairat, Professeur de philosophie de l’éducation, paru en 2011, et intitulé La sanction en éducation  débute d’ailleurs par cette remarque : « Le monde des éducateurs est resté étrangement silencieux ces trente dernières années sur la question de la sanction ». Dans son travail de théorisation il insiste sur la notion d’une punition qui puisse être réparatrice, sur le modèle de la justice restaurative.

En donnant à l’enfant, à l’élève, la possibilité et la responsabilité de réparer ce qu’il a brisé en dépassant les règles, on le reconnaît aussi capable d’apporter à la collectivité quelque chose de positif. En demandant à l’élève de remettre en état du matériel abîmé ou de donner de son temps à l’autre, on permet par le même acte de lui redonner une place dans le groupe classe, tout en reconnaissant les contraintes de la vie sociale.

Finalement la punition interroge aussi le droit à l’école, à l’éducation pour les élèves qui transgressent les règles, et elle interroge un ensemble bien plus large de représentations et de pratiques, qui va de la gestion des « désordres scolaires », à la prévention de la violence, en passant par le décrochage.

Émission préparée par ...

  • Production : Diane Béduchaud
  • Attachée de production : Juliette Heinzlef
  • Réalisation technique : Sébastien Boudin
  • Habillage sonore : Diane Béduchaud, Sébastien Boudin
  • Musique : Joakim Karuk, Love mode
  • Remerciements : Régis Guyon et Florence Sauvebois pour leur relecture et conseils avisés

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