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EN QUÊTE D'ÉCOLE : épisode 20 (12/09/2022)

Enseignement agricole : vers l'agriculture et au-delà

« J'ai choisi un lycée agricole parce que c'est quelque chose d'assez libre ,ouvert. Il n'y a pas beaucoup de gens et c'est plus facile pour apprendre, on se connait plus facilement, il y a pus de contact avec les gens. Et puis le fait d'être en dehors aussi de la vielle, on se sent plus libre et c'est mieux. »
La rentrée au lycée agricole public Nature de la Roche-sur-Yon. Ministère de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire.

6% des lycéens et apprentis français apprennent dans l’Enseignement agricole. Avec des formations qui s’étendent de la quatrième au doctorat, sans oublier la formation continue pour les adultes, avec des filières qui vont de l’agronomie, au commerce en passant par les services à la personne, l’enseignement agricole est un modèle unique. Ce modèle est le fruit d’une longue histoire, et d’une volonté de fournir aux jeunes des campagnes un cadre d’apprentissage différent de l’enseignement général, mais aussi un tremplin vers l’insertion professionnelle et sociale. Mais alors d’où viennent ces particularités de l’EA et comment celui-ci se transforme aujourd’hui pour répondre aux enjeux écologiques et sociaux ?

Pour le savoir, nous avons mené l’enquête. 

La scolarisation de l'agriculture : Un concept récent

L’histoire de l’enseignement agricole relativement méconnue, commence à sortir de l’ombre depuis quelques années. En 2021, l’ouvrage intitulé Pour une histoire de l’enseignement agricole, sous la direction d’Edgar Leblanc revient sur les premiers moments de ces formations.

« Les siècles passent, les châteaux tombent en ruine, mais aux pieds des châteaux et tout comme autrefois, l'agriculteur répète d’une saison à l’autre, d’un an sur l’autre, d'une génération à l'autre, le même geste qu’on dit éternel. »
L'agriculture et la révolution du pétrole, film de 1957.

Dans les années 1900, l’agriculture est un métier qui se transmet de génération en génération, de père en fils. Avec les progrès techniques, un groupe d’agronomes et d’agriculteurs décident de fonder des « fermes écoles », des établissements qui combinent les apports scientifiques et les pratiques traditionnelles. Pour les fils de paysans pauvres, ces établissements sont aussi un lieu d’ascension sociale. Ils y apprennent à gérer une exploitation, et à maîtriser les nouvelles techniques agricoles. A côté des fermes-écoles, on trouve les « maisons ménagères » qui accueillent les jeunes filles de milieu rural après leur scolarité à l’école primaire. Elles y apprennent la gestion de la maison, les travaux domestiques, mais aussi l’exploitation des produits de basse-cour, de la laiterie et du potager (Joel Lebeaume). 

En 1918, une loi prévoit l’organisation d’un enseignement agricole public. Après la Première Guerre mondiale, il y a urgence pour la nation d’être autonome sur le plan de l’alimentation et de l’agriculture. Un rapport de l’époque explique « qu’il faut enfin donner des armes à ceux qui développeront demain la prospérité agricole de notre pays et feront disparaître les ruines accumulées par la guerre ».

L'enseignement agricole intègre l'éducation nationale tout en gardant Ses particularités

Dans les années 1960, l’enseignement agricole adopte l’organisation et les niveaux de diplômes de l’Education Nationale tout en préservant ses particularités, et notamment la tutelle du ministère de l’agriculture et de l’alimentation.

Mais justement quelles sont ses particularités ? Sur la forme, c’est bien sûr la présence d’une exploitation agricole sur le lieu d’enseignement, mais sur le fond, c’est aussi la manière d’envisager les élèves et leur parcours scolaire. Depuis toujours, l’enseignement agricole se positionne comme un lieu alternatif où des élèves en difficulté scolaire, mais pas seulement, peuvent être accompagnés dans leurs projets professionnels comme l’explique Caroline Saez, directrice de la Maison Familiale Rurale Bléone Durance.

« Aujourd'hui on accueille 50 jeunes en formation initiale, donc à partir de la classe de troisième, soit dès qu'ils ont 14 ans puisque l'alternance peut commencer des 14 ans. Et puis on accueille aussi des jeunes qui sont dans des dispositifs d'orientation où l'idée c'est vraiment de les accompagner sur une remobilisation vers la formation, vers l'emploi, leur donner les clés pour pouvoir intégrer éventuellement un apprentissage. »
Caroline Saez, directrice de la Maison Familiale Rurale Bléone Durance. France 3 Provence-Alpes-Côte d'Azur.

L'éducation socio-culturelle : un exemple de pratique originale 

L’enseignement agricole, même s’il s’est progressivement rapproché du modèle de l’Education nationale, continue de se développer en marge de la « forme scolaire » dominante. Cela passe par des petits effectifs, des établissements qui ont un lien fort avec le territoire , des stages fréquents dans le monde professionnel mais aussi, et cela est moins connu par des pratiques pédagogiques originales comme l'Éducation socio-culturelle.

« C'est une matière très différente. On étudie l'art, le cinéma, l"image d'un point de vue totalement différent de ce qu'on peut connaître en dehors des cours. Je trouve que c'est une manière très très juste en matière de l'épanouissement des élèves. On parle des religions, de l'égalité des sexes, des point de vue politiques aussi. »
Témoignage d'un élève. Retour sur 50 ans d'éducation socioculturelleMinistère de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire

L’Education socio-culturelle, mais aussi la grande place donnée à la vie extra-scolaire des élèves, et à leur suivi, placent les établissements agricoles à la croisée des chemins entre lycées traditionnels et micro-lycées selon les mots de Richard Etienne, Professeur émérite en sciences de l’éducation dans un ouvrage paru en 2014.

Cette place importante donnée à l’accompagnement des élèves est aussi liée à une autre particularité : le grand nombre d’élèves en internat. Selon les chiffres du ministère publiés en 2019, 59% des élèves de l'enseignement agricole sont internes. L’internat est à la fois une nécessité quand les élèves habitent à plusieurs dizaines de kilomètres de l’établissement et une opportunité, un cadre de travail et de vie, qui favorise l’apprentissage de l’autonomie.

Une piste pas assez investie face aux enjeux climatiques ?

Un enseignement à taille humaine, des établissements ancrés dans les territoires ruraux, de très bons taux d’insertion professionnelle : l’enseignement agricole fait figure de modèle sur de nombreux d’aspects comme le montre un rapport d’information publié par la sénatrice Nathalie Delattre en 2021. Le rapport insiste notamment sur l'augmentation constante depuis plusieurs années de la part des filles dans les établissements agricoles. Si elles sont surtout présentes dans les filières de services à la personne, et très peu représentées dans les filières de production, elles représentent tout de même 49 % des effectifs en formation initiale en 2020. 

Le rapport insiste également sur le caractère pionnier des établissements agricoles qui ont affronté très tôt les problématiques environnementales et qui sont aujourd’hui en première ligne face aux changements climatiques et à leurs conséquences.

« C’est à la fois l’évolution de l’agriculture parce qu'il faut qu'on soit au plus près des réalités. Les jeunes aussi qui sont très demandeurs dans la logique de remettre en cause ce qui est fait et de réfléchir aux évolutions. Donc ça on sent l'intérêt et on le voit d'ailleurs car ce sont les jeunes qui sont à l'origine de ces projets. »
Directeur dans le lycée du Paraclet à Cottenchy. (2018). Présentation de la série enseignement agricole. France 3 Hauts de France.

Depuis 2014 le plan “Enseigner à produire autrement” inscrit dans les textes l’enseignement de nouveaux systèmes de production plus durables. Mais cette transition est complexe et les élèves doivent souvent gérer les écarts entre des enseignements théoriques sur l’agro-écologie et la durabilité et la réalité des pratiques sur les exploitations comme le montre Patrick Mayen, professeur émérite en sciences de l’éducation et de la formation, dans un article de 2013.

L’enseignement agricole doit aussi faire face à une diminution de ses effectifs en formation initiale, à l’image d’une tendance plus générale de diminution du nombre d’agriculteurs en France. 

Alors aujourd’hui, à l’heure où les questions de sécurité alimentaire font leur apparition dans nos sociétés, à l’heure où l’intérêt pour les enjeux écologiques grandit : est-ce que ce n’est pas le moment de mettre l’enseignement agricole sur le devant de la scène ?

Et pour aller plus loin ...

Des ressources produites par l'IFÉ-ENS Lyon

 

Des articles et des textes sur le sujet

 

Des vidéos et des podcasts sur le sujet 

     

    Des sites utiles

    Émission préparée par ...

    • Production - Rédaction : Diane Béduchaud
    • Réalisation technique : Sébastien Boudin
    • Habillage sonore : Diane Béduchaud, Sébastien Boudin
    • Musique : Joakim Karuk, Love mode
    • Remerciements : Anne-Françoise Gibert.

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