La France est historiquement un pays d’immigration. Depuis le milieu du XIXe siècle, le pays accueille une immigration de masse venue combler la pénurie de main d’œuvre dans les secteurs économiques en plein essor. Cette tradition a perduré tout le long du XXe siècle avec une diversification des pays de provenance des migrants – même si, encore aujourd’hui une bonne moitié des migrants proviennent des anciennes colonies françaises et des pays européens. Le 3 juillet 1974 constitue une rupture : arguant de la crise économique, le gouvernement dirigé par Jacques Chirac prend la décision de « suspendre » l’immigration de travail légale. Depuis, on s’accommode d’une immigration illégale et les politiques publiques oscillent entre hospitalités et fermeté ; la société française, comme les sociétés européennes, entre hostilité et accueil.

Qu’en est-il concernant l’école et la scolarité ? D’après la DEPP, service statistique du ministère de l’éducation nationale, la France accueille un peu plus de 77 000 élèves allophones nouvellement arrivés par an (sur 12 millions d’élèves scolarisés) ; précision importante : ce chiffre ne recouvre pas les élèves de nationalité étrangère, beaucoup plus nombreux, mais seulement celles et ceux qui, à leur arrivée, ne parlent pas le français, en tout cas pas suffisamment pour pouvoir suivre une scolarité en français. Ces élèves arrivent, ayant vécu des parcours migratoires, parfois traumatisant, l’exil, l’insécurité et la précarité sociale comme juridique.

Comment l’école répond-elle et prend-elle en compte ces situations ? Quels dispositifs d’inclusion met-elle en place ? Et, au-delà de l’accueil, comment organise-t-elle l’entrée dans la langue française de scolarisation et dans la scolarité ? Car apprendre le français est une chose, apprendre la langue pour étudier des disciplinaires scolaires relève d’un autre défi…

Pour parler, nous avons le plaisir de recevoir deux chercheuses, qui nous permettront de répondre à ces questions, mais aussi de donner un double éclairage, sur la situation française et sur celle de la Suisse, et plus particulièrement du canton de Genève : Claire SCHIFF, maitresse de conférences en sociologie à l’Université de Bordeaux et membre du Centre Émile Durkheim, qui s'intéresse en particulier à la prise en compte par l’École, comme par les enseignants, des élèves migrants et des formes d’altérité, et Barbara FOUQUET CHAUPRADE, sociologue, maître d’enseignement et de recherche dans le Groupe Genevois d’Analyse des Politiques Éducatives (GGAPE) à l’Université de Genève. Ses travaux de recherches portent principalement sur les politiques éducatives, les inégalités scolaires, l’immigration, l’ethnicité et la ségrégation, et elle a publié en 2023 École et immigration. Comment expliquer les inégalités ethnoraciales ? aux Éditions Interroger l’éducation de l’université de Genève.