Cadres théoriques pdf

lundi 30 mars 2015

Les études de cas produites dans le WP4 et analysées dans le WP5 doivent aider à répondre aux questions suivantes :

  1. Comment les enseignants utilisent les données qui viennent de l’évaluation formative des élèves à l’aide de la technologie ?
  2. Comment l’enseignement future est influencé par l’utilisation de ces données ?
  3. Comment les données qui viennent de l’évaluation formative sont utilisés par les élèves pour construire leurs trajectoires d’apprentissage ?
  4. Lorsque la technologie est utilisée en tant qu’outil d’apprentissage plutôt qu’une source de données pour l’enseignant, quels sont les enjeux pour l’enseignant en termes de son habilité de repérer informations sur la compréhension des élèves ?

Quels cadres théoriques peuvent permettre de répondre à ces questions ? Quelles articulations possibles ?

Si on considère la deuxième question d’un point de vue globale, elle porte sur le développement professionnel de l’enseignant. Pour la investiguer de ce point de vue, nous pouvons nous appuyer sur le cadre de la transposition méta-didactique (Arzarello et al. 2012, 2014 ; Aldon et al. 2013). On peut, en fait, concevoir le travail entre chercheurs et enseignants dans FaSMEd comme l’interaction des deux communautés : la communauté des chercheurs et la communauté des enseignants. Les deux éléments clés du projet, c’est-à-dire l’évaluation formative et l’utilisation de la technologie, ne sont pas nouveaux pour les deux communautés. En particulier, les enseignants ont déjà travaillé avec la technologie en classe (TI Primaire Plus, les boîtiers de vote, GeoGebra sur tablette, …) et ils ont déjà fait expérience de l’évaluation formative dans leurs pratiques rituelles. Cependant, ce qui est nouveau pour les deux communautés est l’utilisation de la technologie pour l’évaluation formative comme composante de leurs pratiques. Cette dernière est une composant externe aux deux communautés, « imposée » d’une certaine façon par le projet européen dans lequel elles sont engagées.
La communauté des chercheurs interagit avec les autres partenaires du projet au niveau international pour partager définitions, idées et méthodologies. Une praxéologie des chercheurs se forme autour de l’utilisation de la technologie pour l’évaluation formative comme composante d’une technique pour atteindre la tâche d’améliorer la réussite des élèves en difficulté en maths et science. Cette praxéologie, que chacun partenaire décline selon la tradition éducative et culturelle de son propre pays, caractérise au niveau national la communauté de chercheurs lorsqu’elle se rencontre avec les enseignants. La composante de l’utilisation de la technologie pour l’évaluation formative est mise en jeu par les chercheurs avec l’objectif de la passer aux enseignants. C’est l’interaction entre les deux communautés, notamment un processus de transposition méta-didactique, qui pourra faire devenir cette composante interne aux praxéologies des enseignants.
Evidemment, ce processus demande du temps. La dynamique selon laquelle une composant externe devient interne est un processus lent qu’on ne peut observer que sur le long temps, en comparant les pratiques des enseignants au début du projet et leurs pratiques à la fin du projet, ou encore mieux au début de l’année prochaine où leurs pratiques pourront encore être sous observation dans le projet.
Dans tous les cas dont nous disposons, avant le démarrage du projet, l’enseignant n’avait jamais utilisé la technologie pour évaluer d’une façon formative les élèves. La façon dont cette expérience pourra faire évoluer ses pratiques dépend de sa réflexion sur les résultats de l’expérimentation au sein du projet. Cette réflexion aura lieu sur deux niveaux (double dialectique) :

  1. l’enseignant réfléchit sur ses pratiques dans la classe, sur le déroulement de l’expérience et sur les résultats des élèves (surtout ceux qui ont plus de difficultés) ;
  2. l’enseignant partage son expérience avec le reste de l’équipe et les chercheurs et sa réflexion est nourrie par les autres perspectives et les commentaires des chercheurs.
    Selon le modèle de la transposition méta-didactique (voir la figure), dans certains cas, cette double réflexion peut amener à la formation d’une praxéologie partagée entre les chercheurs et les enseignants, caractérisée par la nouvelle composante : utilisation de la technologie pour l’évaluation formative. Plus précisément, cela signifie que les chercheurs et les enseignants discutent et partagent la façon d’utiliser la technologie pour l’évaluation formative et donc comment cette nouvelle composante peut rentrer dans une praxéologie, au niveau technique et technologique.

Dans l’esprit d’une recherche basée sur le design (design-based research), les praxéologies des chercheurs vont aussi évoluer, grâce au processus de transposition meta-didactique, en de nouvelles praxéologies.

Considérons maintenant la deuxième question d’un point de vue locale, prenant en compte la situation de classe qui vient se créer au niveau d’une séance ou d’un petit nombre de séances.
Une séance d’évaluation formative avec la technologie peut être décrite comme un moment où l’enseignant met l’élève dans une situation didactique (QCM pour réviser le cours, …) ou bien a-didactique (un « jeu » ou un problème qui vient du réel à explorer). La situation alors peut se décrire selon le schéma de la Théorie des Situations Didactiques (Brousseau, 1998) : l’élève qui influences (ou mieux « qui agit sur ») le milieu, et le milieu qui « renseigne » l’élève. Composantes fondamentales du milieu créé dans la classe sont la technologie utilisée par l’élève (et éventuellement l’enseignant) et l’enseignant qui contribue à modifier le milieu. L’élève travaille avec l’outil technologique et si les retours sont positifs il avance sans rencontrer de difficultés. Lorsque l’outil technologique donne un retour imprévu ou négatif, l’élève se trouve en difficulté. C’est à ce moment-là que l’évaluation devient vraiment « formative » et peut être efficace pour l’apprentissage de l’élève.
Les rétroactions du milieu sont à la fois utiles :
- à l’élève qui s’en sert pour faire mieux dans le questions suivantes, pour changer stratégie dans la résolution d’un problème, … [Question de recherche 3]
- à l’enseignant qui s’en sert pour faire un bilan de la classe, pour identifier quels sujets posent des problèmes dans la classe et quels élèves ont plus de difficultés par rapport à un certain sujet et pour choisir ou modifier sa stratégie didactique. [Question de recherche 1 et 2]

Pendant la séance ou au début de la séance suivante, on peut identifier des moment où l’enseignant s’appuie sur les résultats recueillis pour apporter des variations à sa technique didactique (au sein de sa praxéologie didactique). En partant de la praxéologie déclarée ou prévue par l’enseignant avant la séance, toutes ces variations locales donnent forme à la praxéologie finale.
Brousseau distingue « […] quatre personnes, quatre sujets distincts auxquels l’élève peut s’identifier et donc cinq milieux avec lesquels il peut interagir selon des modes différents. Ces milieux étant emboîtés, nous les décrirons comme des niveaux du "milieu" de l’élève » (Brousseau, 1986). Nous nous referons à la structuration du milieu, reformulée par Margolinas (1995). Le niveau de base, le niveau 0, est celui de la situation didactique. Les niveaux a-didactiques deviennent ainsi les niveaux négatifs (-1, -2, -3). Si on adopte la dénotation suivante : M=milieu, E=élève et P=professeur, nous avons :

M_<i>n+1</i>=S_n\<i>M_n,E_n,P_n\</i>


Le niveau n est donc englobé dans le niveau n+1 et S_n correspond aux rapports entre M_n,\ E_n,\ P_n

Les milieux, selon Margolinas (2004)

Margolinas (2004) spécifie qu’ « Il ne s’agit pas d’une description de situations temporellement successives, mais positions que les sujets peuvent prendre ». L’élève est protagoniste des niveaux -3,-2,-1 qui remontent jusqu’au niveau 0. Le professeur est protagoniste des niveaux 1, 2 ,3.
Les niveaux positifs nommés comme « sur didactiques » correspondent dans notre cadre aux niveau méta-didactique (au sens que la transposition méta-didactique donne à ce terme).

Références

Aldon, G., Arzarello, F., Cusi, A., Garuti, R., Martignone, F., Robutti, O., Sabena, C., & Soury-Lavergne, S. (2013). The meta-didactical transposition : a model for analysing teachers education programs. In Proceedings of the 37th conference of the international group for the psychology of mathematics education. (Vol. 1, pp. 97-124).

Arzarello, F., Robutti, O., Sabena, C., Cusi, A., Garuti, R., Malara, N., & Martignone, F. (2014). Meta-Didactical Transposition : A Theoretical Model for Teacher Education Programmes. In The Mathematics Teacher in the Digital Era  (pp. 347-372). Springer Netherlands.

Brousseau, G. (1986). La relation didactique : le milieu. Actes de la 4e école d’été de didactique des mathématiques, pp. 54-68, ed IREM de Paris 7.

Brousseau, G., & Balacheff, N. (1998). Théorie des situations didactiques (Didactique des mathématiques 1970-1990). La pensée sauvage.

Margolinas, C. (1995). La structuration du milieu et ses apports dans l’analyse a posteriori des situations. Les débats de didactique des mathématiques, La pensée sauvage, Grenoble, pp.89-102.

Margolinas, C. - Points de vue de l’élève et du professeur Essai de développement de la théorie des situations didactiques -. Habilitation à diriger des recherches. Thèse de doct. Université de Provence.