Thèmes de recherche développés
- Personnalisation et individualisation des parcours des élèves : modifications de l'organisation du travail scolaire et transformations des pratiques enseignantes
- Approche didactique et comparatiste des pratiques d’enseignement-apprentissage (principalement en mathématiques) et des déterminations de leurs actions. Les dispositifs d’aides à l’école primaire : les aides spécialisées et les aides « ordinaires » en classe ou en Aides Personnalisées.
- Approche didactique du phénomène d’inégalité scolaire : doxas, leurres et différenciation didactique passive.
- Scolarisation des élèves en situation de handicap et accompagnement par un Auxiliaire de Vie Scolaire à l’école et au lycée. Analyse didactique et comparatiste des articulations, des collaborations entre enseignants et AVS.
[2012] Dans le regroupement d’adaptation, existe-t-il des régimes d’attention spécifiques aux maîtres spécialisés à dominante pédagogique? : chapitre d'ouvrage
Toullec-Théry, M. (2012). Dans le regroupement d’adaptation, existe-t-il des régimes d’attention spécifiques aux maîtres spécialisés à dominante pédagogique? In B. Gruson, D. Forest & M. Loquet (Eds.) Jeux de savoir. Rennes : Presses universitaires de Rennes.
Résumé
Pour prévenir et remédier aux difficultés d’apprentissage éprouvées par certains élèves, une institution d’aide nommée « regroupement d’adaptation », menée par des enseignants spécialisés à dominante pédagogique (maîtres E), voit le jour, en 1990, à l’école primaire. Cette forme scolaire introduit une différenciation des parcours, en adaptant les moyens et le temps d’apprentissage pour ces élèves qui n’entretiennent pas un rapport adéquat aux objets d’apprentissage enseignés. Elle a pour objectif d’aider ces élèves « peu performants » à renouer avec le temps didactique de leur classe, à regagner du « capital d’adéquation » (Sensevy, 1998, Tambone & Mercier, 2003).
Dans ce chapitre, en nous appuyant sur le cadre théorique issu de l’action conjointe en didactique (Sensevy & Mercier, 2007), nous localiserons certaines contraintes inhérentes à ce système didactique et leurs effets tant sur les pratiques professorales que sur les élèves. Pour cela, nous convoquerons essentiellement les discours sur leurs pratiques de trois maîtres E.
Nos recherches (Toullec-Théry, 2006) montrent qu’une question centrale chez les maîtres E étudiés tient à la primeur de leur attention : est-elle portée à l’enfant ou à l’élève? Cette préoccupation révèle des enjeux identitaires qui orientent leur posture professionnelle et leurs intentions d’action. La plupart des maîtres E montrent une inclinaison à expliquer la difficulté d’apprentissage par des causes principalement d’origine psychologique. De ce fait, nous constatons chez la majorité des maîtres E étudiés un affaiblissement de l’étude épistémique des objets sur lesquels l’élève doit porter sa vigilance pour mieux apprendre dans le contexte scolaire. L’épistémologie pratique majoritairement développée par ces professeurs spécialisés a en effet pour conséquence de tenir à distance les élèves des préoccupations d’apprentissage de la classe pour porter soin (Stiegler, 2008) à la personne de l’enfant affectée par sa difficulté scolaire.
La forme scolaire « regroupement d’adaptation » se développe donc majoritairement comme un système éloigné, voire « concurrent » de la classe, plutôt qu’un système auxiliaire de réajustement des savoirs. Les situations proposées sont très régulièrement des prétextes où l’enjeu cognitif ne prime alors pas (Toullec-Théry, 2006). Le postulat chez ces enseignants est de faire du regroupement d’adaptation un refuge (Tambone & Mercier, 2003), un espace de reconstruction de l’estime de soi, sans s’attacher la plupart du temps de manière explicite aux objets d’apprentissage de la classe. Une grande partie des maîtres E attacherait plus d’attention à la « valeur personnelle » de l’enfant qu’à la « valeur scolaire » de l’élève, avec un incontestable effet d’équité, mais peut-on parler d’efficacité quand on sait que les attentes du professeur en classe vis-à-vis de l’élève « peu performant » se situent dans « la progression officielle de la classe » (Ibid., 2003) ?