Thibault COPPE, Professeur en sciences de l'éducation, Université libre de Bruxelles.

Les sciences de l’éducation sont souvent décrites comme étant en crise dans leur rapport avec le terrain. En effet, de nombreuses études mettent en évidence un faible transfert des résultats de recherche en éducation vers la pratique, un phénomène bien connu sous l’appellation de « research-practice gap » (Korpershoek, 2023). Face à ce constat, les sciences de l’éducation ont vu émerger ces dernières années de nombreuses réflexions et initiatives visant à rapprocher recherche et pratique. Celles-ci ont contribué au développement –certains iront jusqu’à parler d’établissement– de deux paradigmes majeurs, parfois considérés comme des « quasi-écoles de pensée », concernant la « meilleure » manière de faire de la recherche en éducation (Broekkamp & Hout-Wolters, 2007) : celui des recherches collaboratives, d’une part, et celui de l’éducation fondée sur les données probantes, d’autre part (Tseng & Coburn, 2019). Cette conférence proposera une mise en discussion de ces deux paradigmes. Nous examinerons, dans un premier temps, les principes qui les différencient, tout en réfléchissant à leurs lieux communs. Nous accorderons ensuite une attention particulière à la question de la « co-construction de preuve », question centrale de cette Rencontre des LéA-IFÉ, à travers un regard critique sur la notion même de preuve et ses usages.

Juliette Renaud, maîtresse de conférence, INSPÉ centre Val de Loire, laboratoire ÉRCAÉ, correspondante recherche du LéA Bibliothèque de la diversité (Biothèque). 

Nous faisons l'hypothèse que la production de ressources robustes, au sens de Kervyn (2020 ; Kervyn et Goigoux, 2021) c'est à dire alliant une double exigence de validité scientifique et de pertinence de terrain, nécessite de tirer parti de l'asymétrie entre chercheurs et praticiens en articulant ces mondes professionnels tous deux légitimes, mais hétérogènes. C'est ce dialogue complexe que nous proposons de documenter en proposant quinze indicateurs d'utilité, d'utilisabilité et d'acceptabilité (Renaud, 2020) pour outiller les échanges entre professionnels. Ces indicateurs sont identifiés par Tricot (2016) comme une précaution indispensable pour qui veut concevoir un outil qui franchirait avec succès le passage à l'échelle, c'est-à-dire qui serait diffusé et largement utilisé, une fois l'expérimentation terminée. Nous illustrerons très concrètement l'utilisation de nos 15 indicateurs, fruit de la conception continuée dans l'usage de Lecture Doc (2024), un outil didactique qui a fait l'objet de notre travail doctoral dirigé par Roland Goigoux.

Murielle GERIN, Maitresse de conférences en sciences de l'éducation et de la formation, Université de Bretagne occidentale, INSPE de Bretagne, Laboratoire CREAD EA 3875

Loïs LEFEUVRE, Docteur en sciences de l'éducation, membre du Collectif Didactique pour Enseigner (CDpE), ancien directeur de l'IUFM de Bretagne, correspondant du tout premier LéA de 2010-2011

Égalité et création d'intelligence au sein d'un collectif d'ingénierie coopérative", cet axe s'est imposé comme l'un des axes particulièrement importants des recherches du Collectif Didactique pour Enseigner. Il s'agit premièrement de comprendre comment émerge l'ingéniosité d'un collectif pour concevoir et mettre en œuvre un dispositif d'enseignement, et deuxièmement, de tenter d'identifier à quelles conditions cette ingéniosité devient la préoccupation partagée de tous les membres du collectif. Dans cette conférence, nous abordons ces questions à partir d’exemples extraits de deux ingénieries coopératives. Le premier exemple porte sur la concrétisation de l’égalité filles-garçons dans et par les situations d’écriture au CP. Il s'agit de montrer comment la rencontre du collectif d'ingénierie avec un “art de faire”, ici l’art de la coécriture, participe d’un processus de création collective d’intelligence aboutissant à l’invention d’une situation d’écriture originale. Le second exemple porte sur la compréhension et l'interprétation des fables de La Fontaine en classes de CE et CM. Il s'agit de montrer comment, et à quelles conditions, le questionnement posé par un nouveau venu dans l'ingénierie relance la teneur du travail épistémique et didactique au sein du collectif. Autrement dit, identifier comment le questionnement de l'un devient l'affaire de tous, et comment le collectif est en mesure de créer des améliorations du dispositif d'enseignement mis en place jusqu'alors.

Liliane Pelletier est professeure des universités au laboratoire ECP, Université Lyon 2

Sous le nom d’école inclusive, les récentes prescriptions en France et à l’international invitent la communauté scientifique, aux côtés des professionnels et des familles, à interroger les frontières entre différents mondes, scolaire, médico-social et familial (Thomazet et Mérini, 2015). Cela permet de débattre de la question des formats de recherche propices à la mise en place de dynamiques à visée inclusive. En appui d’une recherche AVEC portant sur les Rites de passage dont l’ambition est de créer une alliance éducative entre l’école et les familles, la conférence donnera à voir concrètement le processus inclusif pour que chaque acteur/actrice puisse mettre au service du projet sa propre expertise (que celle-ci s’appuie sur des savoirs académiques ou d’expériences). L’enjeu majeur est donc d’éclairer les manières de penser la recherche et de faire collectif, y compris avec les parents, au service d’une école inclusive.

Lucie Mottier Lopez est professeure ordinaire à l'Université de Genève.

Aurore Promonet est maitresse de conférences en sciences du langage au CREM, Université de Lorraine, INSPé.

Catherine Loisy est Maître de conférences habilitées à diriger des recherches (S2HEP, IFé ENS-Lyon). Elle s'intéresse au développement professionnel du point de vue de la psychologie du développement et de la théorie de l’activité. Cette approche lui fournit un cadre d’analyse des systèmes d’activité des différents acteurs des recherches collaboratives, dans lesquelles des systèmes d’activité différents sont en interaction autour d’un même objet.

Yves Reuter est professeur émérite à l'Université de Lille. Il présente une réflexion sur une gamme de pratiques articulant d’une manière ou d’une autre l’espace des pratiques et celui des recherches. Il aborde en particulier, la question des deux pôles en tension: le respect des pratiques/ la transformation des pratiques, le poids des logiques différentes, les règles de fonctionnement, les relations de plus ou moins grande distance, les pratiques d’écriture, l’évaluation.

Takeshi Miyakawa est enseignant chercheur, dans le domaine de la didactique des mathématiques, à l'Université Wasada de Tokyo. La lesson study au Japon est une pratique propre des enseignants, qui repose sur le travail collectif autour d’une leçon ou d’une série de leçons donnée (préparation, réalisation et évaluation), pratique qui vise le développement professionnel et l’amélioration de l’enseignement. Takeshi Miyakawa montre d’abord le rôle du chercheur comme conseiller (ou 'knowledgeable other' en anglais) lors de la préparation d’une leçon ouverte ou de la discussion après cette leçon, et ensuite le rôle du chercheur comme fournisseur de la théorie « pratique » sur laquelle les enseignants peuvent s’appuyer pour leur pratique ordinaire dans la classe.

Philippe Losego est enseignant chercheur à la Haute École Pédagogique de Vaud. Il confronte trois dispositifs : recherche action, recherche collaborative et lesson studies. Ces trois types de recherches participatives ont deux points communs. D’une part, elles interrogent le statut des savoirs qui peuvent circuler entre enseignants et chercheurs, d’autre part, elles conduisent à repenser les rapports symboliques entre enseignants et chercheurs. Mais issues de contextes historiques et culturels différents, elles manifestent une conception de l’innovation très différente, « de rupture » ou « incrémentale ».

Isabelle Nizet est professeure agrégée au département de pédagogie de la faculté d’éducation de l’Université de Sherbrooke. Elle s'intéresse au développement professionnel et à la recherche collaborative qui sont depuis plusieurs années l’objet d’interrogations conjointes pour les praticiens et les chercheurs engagés dans le cadre de collectifs d’enseignants, de communautés d’apprentissage professionnel ou de communautés de pratiques constituées à l’occasion de recherches action ou de recherche formation. Quelles conceptions du développement professionnel des enseignants et des chercheurs sont sous-jacentes à ces modèles d’action et d’intervention? Elle tente de dégager quelques éléments de réponse à l’aide d’exemples issus de projets de recherche action collaborative mené au Québec depuis trois ans avec des enseignants et des conseillers pédagogiques de l’éducation des adultes.

Michèle Prieur est professeur détachée à la DFIE (Délégation formation, innovation, expérimentation de l'académie de Lyon. Après avoir précisé les formes et les enjeux possibles du travail collectif enseignant, elle explore les conditions à la coopération entre professeurs de sciences pour préparer des situations d’investigation qui engagent les élèves dans l’élaboration d’hypothèses ou de conjectures. Elle regarde pour cela le travail des professeurs comme un jeu d’interactions entre les professeurs et entre les professeurs et leurs ressources (leurs propres ressources, celles du collectif). Elle s'appuie sur une recherche conduite dans le cadre d’une thèse et tente de mettre en perspective les résultats obtenus avec le fonctionnement des équipes éducatives innovantes accompagnées par la coordination académique recherche-développement, innovation-expérimentation de l’académie de Lyon.

Luc Trouche est professeur de didactique des mathématiques à l'ENS de Lyon. Avec ses deux doctorantes, Katiane Rocha et Chongyang Wang, il questionne les dispositifs de collaboration entre enseignants et chercheurs dans des contextes différents : le contexte des lycées de référence au Brésil, et le contexte des groupes de recherche sur l'enseignement en Chine. De la variété de ces contextes émerge l'importance de l'inscription de cette collaboration dans des dispositifs réguliers, reconnus institutionnellement.

Emilie Carosin a été contractualisée par l'IFÉ pour réaliser une étude sur le développement du réseau des LéA, vu à travers le prisme des communautés de pratique. Son étude débouche sur des cartographies du réseau, mettant en évidence ses interrelations avec d'autres réseaux (équipes de recherche, IUFM, responsables institutionnels...).

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Stéphane Clivaz est professeur en Didactique des mathématiques, responsable du Laboratoire Lausannois Lesson Study. Les Lesson Study (LS) sont un processus collaboratif de développement professionnel des enseignants originaire du Japon. Depuis le début du 21ème siècle, ce processus connaît un succès international important. Les LS peuvent être considérées de plusieurs points de vue. En insistant sur leur aspect collaboratif, nous les présenterons comme un moyen de former les enseignants, comme une occasion de développer des ressources, comme une recherche des enseignants, comme un sujet de recherche, comme un lien entre théorie et pratique et enfin comme un lien entre professionnels de l’éducation. Nous illustrerons notre réflexion par des projets menés au sein du Laboratoire Lausannois Lesson Study, en particulier par le travail d’un groupe LS d’enseignants de l’école primaire (CE2-CM1) en mathématiques.

Gérard Sensevy est professeur de Sciences de l'éducation à. l'ESPE de Bretagne. Il propose un état des lieux des ressources produites par les LéA, distinguant plusieurs niveaux (ressources pour les professeurs, ressources pour les chercheurs, ressources pour les professeurs et les chercheurs). Pour chacun de ces niveaux, il propose des pistes de développement.

Catherine Loisy, MCF à l'IFÉ, Brigitte Gruson, MCF à l'IUFM de Bretagne, et Lara Laflotte (étudiante en master) analysent les instruments de production de ressources et de construction du réseau : les 'journaux de bord' et les 'états des lieux annuel'. Elles en mettent en évidence le potentiel et les limitations, offrant ainsi des perspectives de développement des outils du réseau.

Quatre étudiants du master Architecture de l'Information de l'ENS de Lyon présentent la maquette du site qu'ils ont développé pour les LéA, dans la perpective d'un site qui soit à la fois un fidèle reflet de l'activité des LéA et un. outil de leur développement.

Luc Trouche est professeur de didactique des mathématiques à l'ENS de Lyon. Comme responsable de la recherche à l'Institut français de l'éducation, il situe le réseau des LéA au coeur du programme scientifique de l'IFÉ, comme un 'collaboratoire' des acteurs de l'éducation, en interrelation avec le séminaire international de l'IFÉ.

Michel Grangeat est professeur. des universités à l'Université Grenoble Alpes. Il propose une analyse du travail collectif entre acteurs des LéA, en envisageant ses conséquences sur le développement professionnel des enseignants.

Gérard Sensevy, professeur à l'IUFM de Bretagne/UBO, présente les enjeux des LéA comme une nouvelle alliance entre professeurs, éducateurs et chercheurs, qui pourrait permettre de dissoudre enfin le dualisme entre les pratiques d'éducation et les recherches sur ces pratiques, et de renouveler à la fois les recherches, les pratiques et la formation en éducation en assumant leur interdépendance et leurs finalités sociales et politiques.