Entre recherche et Enseignement

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Entre recherche et Enseignement 2017-09-28T13:39:01+02:00

Présentation du Lieu d’Éducation Associé Debeyre

L’Académie de Lille se caractérise par d’importantes inégalités sociales et territoriales et comprend une forte proportion d’élèves en situation de précarité, peu mobiles, véhiculant des représentations héritées de leurs territoires. Ancrés dans des territoires qu’ils perçoivent comme très vulnérables et peu attractifs, qu’il s’agisse par exemple de l’ex-bassin minier ou de certains quartiers prioritaires de la politique de la ville, bien des élèves se disqualifient et s’ôtent toute légitimité pour intervenir dans l’espace public et le penser, ce qui nuit à leur formation intellectuelle et à leur insertion sociale, citoyenne et professionnelle. Mais les fortes inégalités sociales qui marquent particulièrement certains territoires du département du Nord ou du Pas-de Calais amènent aussi à repenser les modalités de la cohabitation entre les différentes populations.

Le projet de LéA Debeyre de l’Académie de Lille

Ce contexte a conduit à constituer un Lieu d’Éducation Associé (LéA), qui, de 2014 à 2017, a interrogé les finalités et les pratiques de l’enseignement de la géographie dans le second degré. Très rapidement, le projet du LéA Debeyre, réseau de collèges et de lycées de l’Académie de Lille, a entendu répondre à deux types d’enjeux :

  • un enjeu pédagogique et didactique. Il s’est agi, au sein du cours de géographie, de construire un cadre pédagogique structurant qui invite les élèves à s’impliquer dans des démarches actives afin qu’ils puissent mettre leurs territoires à distance et penser l’espace et les territoires.
  • un enjeu éducatif. Le pari a été de poser les élèves en habitants conscients de leurs territoires, capables d’en analyser leurs pratiques pour in fine développer leurs capabilités spatiales.

Permettre aux élèves de s’approprier les dynamiques territoriales

Pour permettre aux élèves de s’approprier les dynamiques territoriales à l’œuvre, l’objectif a été de modifier leur rapport au savoir scolaire en l’ancrant dans des pratiques territoriales qui lui donnent du sens. Comment mettre les élèves en situation d’acquérir les compétences nécessaires pour devenir de futurs acteurs du développement durable de leurs territoires et ainsi préparer leur épanouissement personnel, professionnel et citoyen ? Comment faire évoluer leurs représentations, leurs pratiques et usages des territoires ? Comment amener les élèves à inscrire leur réflexion dans un temps long et à imaginer des alternatives positives à ce qu’ils pensaient comme un avenir inéluctable et souvent négatif ?

Zoom sur les Lieux d’Education Associés

Au sein de l’ENS de Lyon, l’Institut Français de l’Education (IFE) développe depuis 2011 un réseau de Lieux d’Education Associés (les LéA) pour promouvoir les relations entre l’innovation et la recherche dans le monde de l’éducation et de l’enseignement. Chaque LéA est construit autour d’une question de recherche, portée par les acteurs de terrain, une équipe de chercheurs ainsi que par la direction du lieu.

Il existe un carnet du réseau des LéA construit comme un outil pour accompagner le renouvellement des formes de recherche en éducation. Pour plus d’informations sur les LéA, consulter le site de l’Ifé.

 

Interroger les programmes de géographie avec un objectif citoyen 

Les contenus des programmes de géographie du collège et des lycées (général, technologique, professionnel) ont été interrogé pour en proposer des mises en œuvre orientant les pratiques de classe vers une pédagogie active centrée sur un objectif citoyen. Le projet du LéA Debeyre avait également pour fondement de mettre les enseignants en situation d’investir pleinement leur responsabilité pédagogique et de développer une culture professionnelle fondée sur des pratiques d’analyse réflexive et la production, l’échange et la mutualisation de ressources professionnelles.

A l’échelle de la classe, à tous les niveaux d’enseignement et dans tous les types d’établissements, la priorité a d’abord été de proposer aux élèves de travailler l’« habiter » et l’« aménager » de leurs territoires de proximité (du local immédiat à la Région) en s’impliquant dans des enquêtes de territoire et dans l’élaboration de scénarios prospectifs. L’hypothèse posée était d’une part qu’une pratique active et raisonnée de leurs territoires de proximité les aiderait à s’impliquer plus activement dans leurs apprentissages, d’autre part, que l’introduction d’une dimension prospective dans l’enseignement de la géographie leur permettrait de s’affranchir d’un certain nombre de déterminismes et de penser l’espace public.

Les bénéfices de la pédagogie prospective en classe

Après trois années d’expériences, plusieurs constats émergent. Les élèves les plus jeunes entrent très facilement dans la démarche et mobilisent des imaginaires géographiques, de façon parfois très intuitive. Ils ne s’embarrassent pas des possibles, des probables ou des attendus scolaires présupposés mais développent des argumentations très construites pour défendre leurs projets. Et plus ils avancent dans leur scolarité, plus ils intègrent des contraintes spatiales, politiques, scolaires, réelles ou supposées, moins ils s’autorisent des ruptures radicales dans l’ordre du monde. Dans les lycées, l’accompagnement de l’enseignant a été ici décisif pour libérer la créativité des élèves. Plus spécifiquement, dans la voie professionnelle, l’articulation du projet professionnel de l’élève à la prospective territoriale ainsi que la déclinaison de projets pluridisciplinaires ont été très fécondes. Elles ont participé à une exploration positive des ressources des territoires de proximité des élèves, favorisant leur mobilité et contribuant à leur employabilité. Plus globalement, l’introduction d’une dimension prospective dans l’enseignement de la géographie a permis aux élèves de mieux apprendre, de mieux se construire en citoyen, d’acquérir davantage de connaissances et de compétences géographiques.

Capitaliser et diffuser la pédagogie prospective

A l’aide des chercheurs et des partenaires engagés dans le projet, la démarche expérimentée par les enseignant-e-s dans les classes a été formalisée et les ressources pédagogiques créées ont nourri la construction du portail national de ressources en prospective, porté par le CGET et l’IFE.

Aujourd’hui, il s’agit de continuer la réflexion didactique et pédagogique menée dans les classes pour mieux l’insérer dans les logiques des évolutions de la scolarité obligatoire, mieux penser la continuité des apprentissages entre le collège et les lycées et, dans la voie professionnelle, mieux articuler formation de la personne, du citoyen et du professionnel. A tous les niveaux de formation, la recherche doit par ailleurs accentuer le développement d’une géographie citoyenne. Le partenariat créé avec la Région Hauts-de-France conduit à prendre en compte le nouveau territoire régional et à approfondir les liens pédagogiques qui existent avec l’Académie d’Amiens. En outre, l’apparition à Lyon d’un nouveau LéA sur les enjeux de la prospective territoriale est aussi à même de nourrir et d’enrichir la réflexion menée dans l’Académie de Lille et de conduire à co-construire de nouvelles ressources à l’échelle nationale.

Stéphane Cordobes, responsable de la prospective et des études du Commissariat général à l’égalité des territoires.
Cyrille Larat, IEN Lettres-Histoire-Géographie, Académie de Lille.
Natalie Malabre, IA-IPR d’Histoire-Géographie, Académie de Lille.

Le LéA Debeyre : en pratique

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Depuis 2013, les 40 enseignants du LéA Debeyre ont expérimenté au collège de la 6ème à la 3ème, au lycée général et technologique ainsi qu’en lycée professionnel, de la 2nde à la terminale des dispositifs pédagogiques mobilisant la démarche prospective.

Les deux référents de ce LéA sont deux inspecteurs : Natalie Malabre, inspectrice d’académie, inspectrice pédagogique régionale, chargée d’accompagner les collèges et lycées généraux et technologiques, et Cyrille Larat, inspecteur de l’éducation nationale, chargé de l’accompagnement des enseignants de lycées professionnels. Le correspondant à l’Institut Français de l’Éducation est Michel Lussault.

Pour pérenniser et faire progresser le travail réalisé par les équipes, un véritable dispositif de formation et d’accompagnement s’est mis en place : ce LéA se retrouve environ une fois par trimestre, pour une formation permettant à chacun d’échanger sur leurs nouvelles séquences, accueillir les nouveaux arrivants, faire évoluer leurs problématiques, et quelquefois rencontrer des acteurs de la prospective.

Un travail collaboratif : Territoires 2040, dispositifs pédagogiques et portail

Ce portail est issu d’échanges entre praticiens de la prospective, chercheurs et des membres de la communauté éducative de l’Éducation Nationale (Inspecteur Académique, Inspecteur de l’Éducation Nationale, enseignants).  Ces derniers, inspirés par le chantier Territoires 2040 mis en œuvre par la Datar (Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale), ont su transposer la démarche pour en faire un outil d’apprentissage dans et avec leurs classes. L’introduction de la prospective dans l’enseignement de la géographie a engendré une transformation des pratiques enseignantes développant ainsi de nouvelles compétences des apprenants. Cette dynamique éducative a parfois instauré une approche pluridisciplinaire impliquant d’autres enseignants (français, arts plastiques, éducation morale et civique…) et ont ainsi participé à cette nouvelle approche pédagogique.

Le projet pluri-partenarial a permis à chacun de partager ses compétences et de les enrichir apportant. Les experts du pôle de prospective du Commissariat Général à l’Egalité des Territoires, ainsi que les ingénieurs pédagogiques de l’Institut Français de l’éducation, ont proposé une analyse approfondie des expériences menées par les enseignants de l’académie de Lille et les chercheurs de l’Espé (Lieu d’Éducation Associé Debeyre) les conduisant à caractériser certaines activités attachées à la démarche prospective.  Cette analyse a permis de proposer un outil, la fabrique, modélisant les activités que suscitent la démarche prospective. Ce denier est intégré au portail Géographie et prospective et permet de soutenir les dispositifs pédagogiques mettant en œuvre cette démarche.

Les didacticiens : entre co-conception et réflexivité

Les relations entre chercheurs et enseignants peuvent être assimilés à une démarche de recherche orientée par la conception (Sanchez, Monod-Ansaldi, 2015). En effet, Nicole Tutiaux-Guillon et Sylvie Considère ont travaillé avec les enseignants du LéA Debeyre en analysant leurs contributions, leurs pratiques et leurs discours. Elles ont proposé aux enseignants pratiquant la prospective des éléments de réflexion leur permettant de prendre du recul sur la façon d’enseigner la géographie et permettant ainsi d’articuler les objectifs pédagogiques de leurs séances.

Des travaux ont proposé une analyse de ces échanges entre chercheurs et enseignants comme des situations favorisant le partage de connaissance entre les différents acteurs engagés dans les interactions. Ces échanges étant favorisés par certains acteurs considérés comme des passeurs/broker

Sanchez, E. & al., 2017

La prospective propose de nombreux leviers d’apprentissage de la géographie

Nicole Tutiaux-Guillon, professeur des universités en sciences de l’éducation à l’ESPE de Lille Nord de France.

Nicole Tutiaux-Guillon (équipe CIREL-Théodile) a travaillé avec les enseignants du LéA Debeyre en analysant leurs contributions, leurs pratiques et leurs discours.

Synthèse d’un entretien (lien) réalisé en janvier 2016.

Quelques publications de Nicole Tutiaux-Guillon :

  • Tutiaux-Guillon Nicole, (2015), Les contenus d’enseignement et d’apprentissage, approches didactiques, Bordeaux : Presses Universitaires de Bordeaux, p. 101-118.
  • Tutiaux-Guillon Nicole, « Histoire-géographie : un trait d’union pour traduire un modèle scolaire commun », Didactique, épistémologie et histoire des sciences, Paris, Presses Universitaires de France, 2008, p. 89-111, disponible en ligne.
  • Tutiaux-Guillon Nicole, (2008),  « Apprentissages socio-culturels et apprentissages disciplinaires en histoire-géographie », Les Cahiers Théodile n°9, p.79-100

L’évaluation des effets de la prospective en classe

Sylvie Considère, chercheur en didactique de la géographie à l’Université de Lille

Témoignage d’Émilie Dhénin (1min38), enseignante de lettres, histoire et géographie au lycée André Malraux de Béthune autour du travail collaboratif avec Sylvie Considère.

Quelques publications de Sylvie Considère :

  • Considere Sylvie, (2008), Pourquoi et comment problématiser la leçon de géographie au cycle 3 ?, Sens et valeur de la notion de problème en éducation et en formation 11 et 12 septembre 2008 Arras (France).
  • Considere Sylvie, Duhaut C, Lebrun N, (2009), Le concept de quartier dans les nouveaux programmes scolaires ou l’irruption de la géographie des représentations dans la géographie scolaire. Les journées de la didactique de l’histoire et de la géographie, Lausanne, Suisse, 23 -24 Novembre 2009.
  • Considere Sylvie, Tutiaux-Guillon Nicole, (2010), « L’éducation au développement durable : entre injonctions ministérielles et obstacles didactiques », Revue suisse des sciences de l’éducation « Enjeux didactiques et citoyens de l’éducation en vue du développement durable », Fribourg.