L'éducation aux sciences dans un monde incertain : Comment les enseignantes appréhendent-elles les incertitudes de la question vive de la transition agroécologique ?
Auteur(s) : NEDELEC Lucas
Date de soutenance : 2018
Thèse délivrée par : Université de Toulouse
Section(s) CNU : section 70 : Sciences de l'éducation
Sous la direction de : Grégoire MOLINATTI & Laurence SIMONNEAUX
Jury de thèse : Simonneaux, Laurence ; Molinatti, Grégoire ; Piponnier, Anne ; Pouliot, Chantal ; Reis, Pedro ; Simonneaux, Jean
"Nous vivons à l’ère des incertitudes. Le développement des technosciences génère de grandes questions auxquelles les sociétés sont incapables de répondre avec certitude et universalité. Au débat épistémologique fondamental de la certitude des savoirs scientifiques s’agrègent désormais des incertitudes sociales, politiques, informationnelles qui structurent les dynamiques des controverses dans l’espace social. À l’école, l’enseignement des questions socialement vives (comme l’énergie nucléaire, les OGM, la dignité animale, etc) matérialise ces incertitudes, du fait de la pluralité des réponses possibles qu’elles impliquent. Dans le champ de la didactique des sciences, l’approche par les incertitudes permet de mieux comprendre les risques professionnels ressentis par les enseignantes. Comment les indéterminations rencontrées reconfigurent leur rapport aux savoirs en jeu dans la controverse et l’idée qu’elles se font de la manière d’enseigner les sciences ? J’ai mené mon enquête au sein de deux systèmes éducatifs, l’éducation nationale (enseignantes de SVT) et l’enseignement agricole (enseignantes de différentes disciplines), autour de la question vive de la transition agroécologique. Une analyse des référentiels m’a permis de caractériser des cultures éducatives ne proposant pas la même visibilité des incertitudes, l’éducation nationale organisant davantage ses curricula autour de savoirs stabilisés quand l’enseignement agricole, par la pluridisciplinarité, esquisse une prise en compte de certaines indéterminations. Malgré une intangibilité forte du terme "incertitude", j’ai relevé des indices de caractérisations des incertitudes de la transition agroécologique dans les propos des enseignantes. Ces éléments actualisent ma conception de l’incertitude autour de quatre formes principales : l’incertitude épistémique, l’incertitude des impacts des technosciences, l’incertitude des acteurs et l’incertitude des solutions possibles. Dans le processus de positionnement des enseignantes sur la question étudiée, j’ai observé une difficile appréhension de la complexité, en raison d’une sensation de saturation informationnelle ou d’une sorte de réflexe rationaliste incitant à clôturer la question par une réponse définitive, certaine, et donc rassurante. De manière générale, les questions socialement vives placent les enseignantes, débutantes ou non, en situation d’insécurité épistémique. Intrinsèquement, les questions vives les amènent en effet à construire leur point de vue sur le sujet pendant la phase de préparation de cours, voire potentiellement pendant l’enquête menée par les élèves. Cela implique une reconfiguration de leur posture professionnelle que certaines acceptent, faisant le deuil de la volonté d’exhaustivité épistémique, par conviction ou par expérience, d’autres ne l’acceptant pas et cherchant à renforcer leur position quant à la maîtrise du savoir et du contrôle social de la classe. Mon observation de certaines situations de formation – autour de l’usage de la cartographie de controverse ou de la construction collective d’un scénario pédagogique – montre que certains dispositifs de la démarche d’enquête socio-scientifique permettent toutefois d’explorer la complexité de la question et d’ouvrir des opportunités de travail autour des incertitudes. À l’image des scénarios du futur, de véritables outils restent cependant à concevoir ou à adapter, en complémentarité avec une réelle formation épistémologique des enseignantes de sciences et une reconsidération du principe de neutralité. Ce sont là les conditions d’existence d’une éducation aux incertitudes qui se donne les moyens de dépasser le caractère anxiogène des conséquences des technosciences et qui puisse écarter le danger d’une accaparation technicienne de ces enjeux. Cette éducation aux incertitudes, par une certaine écologie de l’action, donnerait aux citoyennes des ressources pour se réapproprier leurs futurs et, in fine, créer des possibles dont la justesse socio-politique serait le véritable horizon."
Abstract
Science education in an uncertain world: How do the teachers grasp the uncertainties of the acute question of agroecological transition? Case study with general education and agricultural education teachers in training contexts.
URL : https://hal.archives-ouvertes.fr/tel-01897072/document
mot(s) clé(s) : formation des enseignants, sciences