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Les conseillers d’orientation dans l’enseignement secondaire (1959-1993) : un métier « impossible » ?


Auteur(s) :  LEHNER Paul

Date de soutenance :  2017

Thèse délivrée par :  Université Paris-Ouest-Nanterre-La Défense

Section(s) CNU :  section 04 : Science Politique

Sous la direction de :  Bernard PUDAL

Jury de thèse :  Beaud, Stéphane ; Garcia, Sandrine ; Henry, Odile ; Robert, André ; Sawicki, Frédéric

 

"Grâce aux apports de la sociologie de l'action publique, des groupes professionnels et de l'institution, on cherche à comprendre dans cette recherche, consacrée à une sociogenèse du métier de conseiller d'orientation de 1959 à 1993, l'échec (relatif) des conseillers d'orientation pour imposer, et, corrélativement, occuper un domaine de compétences stable, reconnu et valorisé, au sein de l'enseignement secondaire, de 1959 à 1993.

Convoitant le champ de compétences du cycle d'observation des aptitudes des élèves - dont l'émergence est concomitante du mouvement en faveur de l'école unique dans l'Entre-deux-guerres - censé se substituer à la présélection des élèves reposant sur leurs origines sociales, les conseillers d'orientation n'intègrent qu'officiellement l'enseignement secondaire en 1959 avec la réforme de l'enseignement Berthoin. Néanmoins, l'examen du processus d'élaboration des politiques scolaires des années 1950 montre que leurs savoirs et pratiques professionnelles, hérités de la psychologie expérimentale, se heurtent aux logiques dominantes structurant les politiques scolaires, à savoir la préservation de l'ordre scolaire, « menacé » par l'explosion scolaire, et la recherche d'une adéquation de l'École avec l'économie. Ces finalités génèrent une redéfinition du métier de conseiller d'orientation dans les années 1960 neutralisant du même coup les dimensions critiques de leur expertise psychologique. Le conseiller d'orientation est alors censé dépister les « inadaptés scolaires » et informer les élèves des débouchés professionnels. Face au déficit croissant de légitimité de la psychologie expérimentale et à la redéfinition de leur poste, les porte-paroles des conseillers d'orientation investissent deux autres acceptions du métier, celle de psychopédagogue et celle d'éducateur des choix, qui intègrent le paradigme relationnel, dominant au cours des années 1960, dans le champ médico-psychologique. Profitant de la critique de l'arbitraire, dénoncé notamment durant Mai-Juin 68, et de l'avènement de l'échec scolaire comme problème public légitime au début des années 1970, les conseillers d'orientation réussissent à préserver l'unité relative de leur métier et à occuper le champ d'intervention professionnelle de l'échec scolaire. Pour les acteurs des politiques scolaires, les conseillers d'orientation doivent participer à la fabrication du consentement des élèves à leurs destins scolaires et professionnels, mais doivent également assurer l'information professionnelle des jeunes, surtout de ceux qui sont sortis sans qualification du système éducatif. Le métier de conseiller d'orientation oscille entre ces deux finalités, y compris de 1981 à 1989. Si le cabinet d'Alain Savary (1981-1984) est partisan d'une rénovation pédagogique et par conséquent disposé à reconnaître un champ de compétences spécifique aux conseillers d'orientation, Jean-Pierre Chevènement (1984-1986) puis René Monory (1986-1988), insistent davantage sur l'information et l'insertion professionnelle des jeunes et en font une priorité pour les conseillers d'orientation. Sous le gouvernement de Michel Rocard, et le ministère de l'Education nationale de Lionel Jospin, l'idée du nécessaire consentement de l'élève à son devenir scolaire et professionnel est à nouveau au cœur de la politique scolaire. Elle s'inscrit dans le sillage de l'entreprise de modernisation de l'Ecole, nouvelle thématique du milieu des années 1980, compatible avec le projet de modernisation de l'administration de M. Rocard. C'est dans ce contexte que s'organise la revendication des porte-paroles des conseillers d'orientation d'être reconnu comme psychologue, statut protégé par la loi de mars 1985. Garantissant leur légitimité à intervenir dans le champ d'intervention professionnelle de l'échec scolaire, le statut de psychologue prémunit le groupe professionnel de redéfinitions illimitées de leur métier ou, du moins, en délimite le champ des possibles."




mot(s) clé(s) :  histoire de l'éducation, sociologie de l'éducation